Il faisait figure d'éléphant du Parlement européen : après près de 34 années passées dans cet hémicycle, Jean-Marie Le Pen ferme le ban ce 16 avril. Au mois de mars, alors que le Parlement levait une dernière fois son immunité parlementaire, il avait ironisé : «Je n'aurai pas beaucoup de mains à serrer en partant.»
En plus de trente ans de mandat, dont une bonne partie en tant que doyen de l'Assemblée, le co-fondateur du Front national n'aura jamais présidé la séance inaugurale au Parlement européen malgré son âge avancé. En effet, si la coutume veut que le doyen ait cette honneur après chaque élection européenne, les deux groupes majoritaires à Strasbourg ont déposé un amendement en 2009 afin qu'il ne puisse pas le faire.
Il aurait voulu effectuer un dernier mandat «comme Molière qui souhaitait mourir sur les planches»
Depuis lors, le règlement a été modifié et précise désormais que la première séance est présidée, non plus par le doyen d'âge, mais par le président sortant ou par un ancien vice-président. Dans l'hypothèse peu vraisemblable ou aucun d'entre eux ne serait réélu, la charge incomberait alors au parlementaire le plus ancien au sein de l'institution.
J'ai été mis en cause par le pédophile Cohn-Bendit
La carrière d'eurodéputé du «patriarche», tout en truculences, aura notamment été marquée par plusieurs levées de son immunité parlementaire pour ses sorties jugées négationnistes ou des accusations d'emplois présumés fictifs d'assistants parlementaires. Habitué des face-à-face hauts en couleurs, son échange avec Daniel Cohn-Bendit en 2011 est resté dans les annales de la vie politique européenne. Lors d'une prise de parole au parlement, estimant que Jean-Marie Le Pen était «une honte» pour l'institution, l'ancien leader de Mai 68 avait établi un parallèle entre Anders Breivik et le député nationaliste, qui avait alors vivement réagi : «J'ai été mis en cause par le pédophile [...] Cohn-Bendit.»
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a combattu. Il a soufflé sur la petite flamme de la nation qui reprend aujourd'hui toute sa place
Sa fille, Marine Le Pen, qui a repris le flambeau frontiste en France sous la bannière du Rassemblement national après l'en avoir exclu en 2015, a rendu dans les colonnes du journal Le Parisien hommage à la carrière de son père, avec qui elle s'est réconciliée. «Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a combattu. […] Il a soufflé sur la petite flamme de la nation qui reprend aujourd'hui toute sa place», a-t-elle commentée.
Jean-Marie Le Pen ne quitte pas la vie politique pour autant
Le nonagénaire a de son côté reconnu auprès de l'AFP qu'il aurait voulu effectuer un dernier mandat «comme Molière qui souhaitait mourir sur les planches». Exclu du Front national pour ses propos controversés sur les chambres à gaz, il a cependant exclu de se retirer de la vie politique française et ne compte visiblement pas sortir de l'institution européenne sans dire sa façon de penser. «J’espère obtenir au moins une ou deux minutes de façon à dire à mes collègues ce que je pense de cette institution, de son évolution et de sa ruine programmée», a-t-il en effet expliqué dans son dernier Journal de bord d’eurodéputé, mis en ligne sur son site internet. Dénonçant notamment la «volonté fédéraliste des majorités» au Parlement européen, il a fustigé «la dictature de la technocratie».
Enfin, le regard fermement fixé vers l'avenir, le vieux lion nationaliste a livré dans les colonnes du JDD son opinion sur la liste emmenée par Jordan Bardella pour les élections européennes. Le natif de La Trinité-sur-Mer a avoué qu'il aurait aimé «qu’à l’ardeur supposée de la jeunesse corresponde le poids de l’expérience». A 90 ans, s'il «s'apprête certes à se faire à l'idée» de n'avoir plus de mandat électoral, Jean-marie Le Pen réfute quitter la vie politique et a annoncé sa participation au traditionnel rassemblement du 1er-mai à Paris.
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