France

Cette liste dont le programme aux européennes tient en trois lettres : RIC

Le Mouvement d'initiative citoyenne présente une liste de candidats tirés au sort aux prochaines élections européennes avec un programme simple : la mise en place du référendum d'initiative citoyenne, ou RIC.

A la faveur du mouvement des Gilets jaunes, qui en a progressivement fait l'une de ses revendications phares, le référendum d'initiative citoyenne, ou RIC, est récemment sorti de l'ombre. Jadis défendu par des militants, des universitaires ou des personnalités dont la visibilité se limitait principalement à la sphère internet, le voilà devenu sujet de discussions sur les plateaux télévisés et objet de débats au sein de la classe politique. Cette médiatisation donne l'occasion à ses promoteurs de longue date de se faire entendre, à l'instar d'Etienne Chouard – mais aussi d'autres mouvements moins exposés jusque là.

C'est le cas du Mouvement d'initiative citoyenne, qui présente une liste aux élections européennes avec un objectif unique en guise de programme : mettre en place un RIC à l'échelle européenne, mais également nationale. Ses candidats, tirés au sort après candidature, militent pour la plupart depuis de longues années en faveur de la mise en place d'un tel dispositif – des listes Rassemblement pour l'Initiative Citoyenne se présentaient déjà dans six circonscriptions aux élections européennes de 2009, où elles n'avaient recueilli que 0,1% des voix.

«La conquête du RIC s'apparente à la conquête d'un nouveau droit, comme la conquête du suffrage universel ou du droit de vote pour les femmes en leur temps», explique Raul Magni-Berton, professeur de sciences politiques à Sciences Po Grenoble et porte-parole de la liste. Le Mouvement d'initiative citoyenne estime d'ailleurs que la mise en place d'un RIC est une véritable exigence démocratique à laquelle le gouvernement ne peut adresser de réponse en demie teinte, comme la piste évoquée par Edouard Philippe d'abaisser le seuil du référendum d'initiative partagée déjà prévu par la constitution. «C'est un nouveau droit : soit on l'accorde, soit on le refuse», résume Raul Magni-Berton.

Car l'enjeu du RIC qu'ils promeuvent est bel et bien celui de la démocratie directe, un processus d'élaboration dans lequel les élus ne sont pas appelés à interférer, sous peine de le vider de sa substance. «Les lois élaborées par les citoyens doivent avoir une valeur supérieure à celles élaborées par les élus», explique Clara Egger, numéro 2 sur la liste du Mouvement d'initiative citoyenne et professeur à l’université de Groningen. De quoi susciter la méfiance et la défiance des élus et des partis politiques majoritaires.

Le Mouvement d'initiative citoyenne assure pourtant que le RIC tel qu'il le défend n'a pas vocation à remettre en cause la démocratie représentative, mais à la compléter, voire à la concurrencer dans le but de la renforcer. «Dans les Etats américains où le RIC existe, les élus, lorsqu'ils légifèrent, anticipent la possibilité pour les citoyens d'abroger leurs textes : ils sont donc d'autant plus incités à rechercher d'emblée le consensus et à s'approcher au maximum de la volonté des citoyens», argue Raul Magni-Berton.

Une affaire de débat

L'engouement pour le RIC des Français, dont 80% disent souhaiter la mise en place pour proposer une loi selon un récent sondage, peut faire espérer au Mouvement d'initiative citoyenne un certain écho dans le débat politique. Mais les électeurs peuvent-ils se montrer réceptifs à un programme reposant essentiellement sur une réforme institutionnelle ? En outre, ses détracteurs sont nombreux dans la sphère politique, qui multiplient les critiques à l'encontre du «populisme» dont la démocratie directe serait l'un des avatars.

Face à ces craintes, Clara Egger et Raul Magni-Berton s'appuient volontiers sur le cas helvétique, qu'ils étudient notamment dans leur ouvrage à paraître le 19 avril prochain, Le referendum d'initiative citoyenne expliqué à tous. La Suisse, jadis associée à son secret bancaire et à sa fiscalité, est de plus en plus régulièrement citée dans les débats pour la qualité de sa vie démocratique. Au pays des votations populaires, la défiance envers les institutions est particulièrement faible, notamment chez les jeunes. «Le fait de pouvoir se saisir d'un sujet et de proposer des lois, même si elles n'aboutissent pas, renforce la qualité de la vie démocratique», note Clara Egger, qui rappelle que la culture du consensus et de la démocratie directe n'avait rien d'inné en Suisse, mais qu'elle procède au contraire d'une longue histoire de conflits parfois violents et d'un véritable apprentissage politique.

Le Mouvement d'initiative citoyenne croit en effet au caractère pacificateur du RIC, qui doit permettre de trancher jusqu'aux questions les plus clivantes grâce au débat. Et le difficile respect du pluralisme dans les médias n'est pas, selon eux, un obstacle à la qualité des discussions : «En 2005, la majorité des médias soutenaient le "oui" au référendum sur la constitution européenne, ce qui n'a pas empêché le "non" de gagner», rappelle Clara Egger, qui note que la qualité du débat, lorsque les citoyens sont appelés à s'exprimer directement, tend à se renforcer. Elle cite l'exemple du débat autour d'un texte issu d'une initiative populaire en Suisse en 2017, qui proposait de légaliser le cannabis thérapeutique. «Les bureaux de tabac sont spontanément devenus des lieux de discussion où des points de vue parfois très opposés se confrontaient», raconte-t-elle, notant au passage que la tendance généralement observée par les études d'opinion est à l'atténuation progressive, à mesure que le débat se poursuit, des clivages qui divisent pourtant fortement l'opinion au début.

Depuis plusieurs semaines, des grands partis ont mis ou remis le RIC à l'honneur dans leur programmes politiques, à l'instar du Rassemblement national, qui se flatte de rappeler qu'il réclame la mise en place d'un tel dispositif depuis 1988, ou de la France insoumise, qui a présenté en février dernier une proposition de loi à l'Assemblée nationale afin d'instaurer un RIC. Une concurrence électorale de poids pour le Mouvement d'initiative citoyenne, qui compte cependant bien faire entendre sa voix et apporter sa contribution à un débat assurément promis à un long avenir.

Octave Galassier