France

Les tests osseux controversés pour les jeunes migrants validés par le Conseil constitutionnel

Les sages ont validé le principe des tests osseux pour déterminer l'âge des migrants éligibles à l'Aide sociale à l'Enfance, tout en considérant l'existence d'une marge d'erreur et le fait que ces seuls tests ne suffiraient pas à se prononcer.

Le Conseil constitutionnel a validé le 21 mars les examens osseux réalisés sur les jeunes migrants pour déterminer s'ils sont mineurs ou majeurs, tout en rappelant les garanties prévues par la loi qui était attaquée par un Guinéen, Adama S., et des associations.

Les sages ont admis que ces examens «peuvent comporter une marge d'erreur significative». C'est d'ailleurs l'une des principales critiques contre ces tests car cette marge d'erreur s'étend de dix-huit mois à trois ans. «Un adolescent de 14 ans peut présenter une maturation osseuse d'un adulte», avait dit une avocate à l'audience, le 12 mars. Or selon le résultat du test, le jeune migrant aura droit ou non à la protection de l'Etat.

Mais les juges constitutionnels ont estimé que la loi prévoyait suffisamment de garanties. Elle impose notamment la mention de cette marge d'erreur dans les résultats des tests. De plus, selon la loi, ces examens ne peuvent à eux seuls permettre de déterminer si l'intéressé est mineur.

«Le doute profite à l'intéressé», soutient le texte. «La majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux», lit-on aussi dans la décision du Conseil constitutionnel

«Il appartient aux autorités administratives et judiciaires compétentes de donner leur plein effet à l'ensemble de ces garanties», écrivent les sages.

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel «consacre une exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant». Il impose «que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge».

«Si nous n'obtenons pas l'interdiction du recours aux tests osseux, ce qui est une déception, pour autant le Conseil affirme clairement que l'intérêt supérieur de l'enfant est une exigence constitutionnelle», a réagi l'avocat de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), Patrice Spinosi. «Il demande par conséquent aux autorités judiciaires et administratives de s'assurer que le doute sur sa minorité lui profite bien», a ajouté l'avocat.

Le cas observé par les sages

Adama S., le jeune homme guinéen, sur le cas duquel se sont penchés les sages, avait assuré avoir 15 ans à son arrivée en France en 2016. Il avait refusé de se soumettre aux examens osseux, souvent des radios de la main ou du poignet, demandés par le conseil départemental de l'Ain (la prise en charge des mineurs dépend des départements). Un juge des enfants en avait déduit en 2017 qu'il n'était pas mineur, lui interdisant de fait une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Le jeune homme avait fait appel en acceptant cette fois les tests osseux. En juillet 2018, la cour d'appel de Lyon avait estimé qu'il avait plus de 20 ans et confirmé qu'il ne bénéficierait pas de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Sa défense a déposé une QPC visant l'article 388 du Code civil, qui encadre depuis 2016 le recours à ces examens radiologiques – souvent de la main ou du poignet – pour déterminer l'âge d'un jeune migrant. Des milliers de tests seraient pratiqués chaque année. Certains opposants à la méthode critiquent en outre le fait qu'ils se basent sur des données statistiques collectées entre 1935 et 1941 sur des enfants nord-américains de catégories sociales aisées. 

«Je ne peux être que déçue», a réagi Isabelle Zribi, l'avocate d'Adama S. auprès de l'AFP. Mais c'est «une défaite en demi-teinte», a-t-elle ajouté. Les sages ont donné, selon elle, «des précisions» à la loi pour en assurer une meilleure application. «Ils ont pris acte que la loi n'était pas appliquée correctement par les juges du fond», a estimé l'avocate. 

Mais la colère domine chez plusieurs ONG qui se sont associées au recours. «Ces tests osseux n'ont rien à voir avec l'intérêt supérieur de l'enfant, ils sont aussi fiables qu'une boule de cristal», et «on continuera à demander leur interdiction», a déclaré à l'AFP Clémentine Bret, référente enfance vulnérable au sein de Médecins du monde. 

«On leur a démontré que les garanties très formelles prévues par la loi n'étaient pas respectées et le Conseil constitutionnel nous dit de nous en remettre à la vigilance des juges», s'est indigné auprès de l'AFP Jean-François Martini, du Gisti, en déplorant «une espèce de pragmatisme cynique» et une «occasion ratée». Pourtant «il ne s'agit pas de justiciables comme les autres mais de mineurs à la rue, qui ont un accès au droit et une capacité à le faire respecter extrêmement limité», a-t-il critiqué. 

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