Les Sages prendront leur décision le 21 mars en début de soirée. Les membres du Conseil constitutionnel ont en effet été saisis par un jeune Guinéen afin de déterminer si les tests osseux sur des mineurs étrangers isolés étaient conformes à la Constitution. Un tel acte est censé permettre d'estimer l'âge des jeunes immigrés clandestins, à leur arrivée sur le sol français. Les examens osseux peuvent donc établir si un migrant a droit ou non à certaines mesures de protection de l'Etat.
Comme le note LCI, de nombreux autres pays d'Europe ont recours à cette pratique, dans la mesure où le traitement d'un immigré clandestin mineur et différent de celui d'un majeur.
Le jeune homme guinéen, sur le cas duquel se penchent les Sages, avait assuré avoir 15 ans à son arrivée en France en 2016. Il avait refusé de se soumettre aux examens osseux, souvent des radios de la main ou du poignet, demandés par le conseil départemental de l'Ain (la prise en charge des mineurs dépend des départements). Un juge des enfants en avait déduit en 2017 qu'il n'était pas mineur, lui interdisant de fait une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Le jeune homme avait fait appel en acceptant cette fois les tests osseux. En juillet 2018, la cour d'appel de Lyon avait estimé qu'il avait plus de 20 ans et confirmé qu'il ne bénéficierait pas de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Une méthode trop peu fiable ?
Mais ces tests ne sont pas jugés fiables par certains opposants à la méthode. Et ce notamment car ils se basent sur des données statistiques collectées entre 1935 et 1941 sur des enfants nord-américains de catégories sociales aisées. En outre, une des critiques récurrentes contre ces examens osseux concerne leur marge d'erreur, entre 18 mois et trois ans. «Un adolescent de 14 ans peut présenter une maturation osseuse d'un adulte», relève pour Isabelle Zribi l'avocate d'Adama S., à l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ces examens «méconnaissent la protection de l'intérêt de l'enfant» et sont «inadaptés, anachroniques, inefficaces», accuse l'avocate, qui demande l'abrogation des alinéas 2 et 3 de l'article 388 du Code civil, qui encadre depuis 2016 le recours aux tests osseux.
De même, lors d'une audience au Conseil constitutionnel, le 12 mars, Brigitte Jeannot, avocate de l'association pour la défense des droits des étrangers, a dénoncé le recours aux tests osseux : «Il y a un paradoxe : alors qu'ils ne sont pas suffisamment fiables, ces tests ont une place déterminante dans toutes les procédures qui concernent les mineurs isolés étrangers».
Pour Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'Homme, la QPC donne aux Sages l'occasion de donner «une nouvelle définition de l'intérêt supérieur de l'enfant». «La protection des droits doit être plus forte», a-t-il plaidé.
Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, est lui aussi opposé à ces examens qu'il juge «invasifs et non fiables».
En ce qui concerne les alternatives à cette pratique, des associations font valoir l'existence, au Royaume-Uni, de techniques d'enquête sociales, éducatives et psychologiques pour estimer l'âge.