France

Injures contre Finkielkraut : des députés veulent faire «punir» l'antisionisme par la justice

Sous l'impulsion d'un député LREM, les membres du groupe d'étude sur l'antisémitisme devraient soumettre un texte pour que l'antisionisme soit reconnu comme un délit. Leur décision doit être prise avant le discours d'Emmanuel Macron au dîner du Crif.

«Notre groupe d'étude [sur l'antisémitisme] à l'Assemblée nationale portera une initiative forte dans les prochains jours pour que l'antisionisme soit reconnu et puni en France pour ce qu'il est : de l'antisémitisme !», a annoncé sur Twitter le député La République en marche (LREM) Sylvain Maillard le 16 février. Le président du groupe d'étude a accompagné son message de la citation «sale sioniste de merde», une injure lancée à l'encontre du philosophe Alain Finkielkraut le 16 février à Paris, lors de l'acte 14 des Gilets jaunes.

Concrètement, «une résolution ou une proposition de loi pour que l'antisionisme soit reconnu comme un délit au même titre que l’antisémitisme» devrait être proposée le 19 février par des députés de différents partis, selon une information de France info.

D'après cette même source, les 31 députés du groupe d'étude auront à choisir entre une proposition de loi ou une résolution de l'Assemblée nationale visant à prendre position sur la question. Leur décision devrait tomber avant le discours du président de la République Emmanuel Macron au dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), le 20 février.

Cité par France info, Sylvain Maillard juge que «la haine d’Israël est une nouvelle façon de haïr les juifs» et qu'«on peut critiquer le gouvernement d'Israël, mais pas remettre en cause l'existence même de cet Etat».

L'annonce du député LREM a été faite après que le philosophe français Alain Finkielkraut (qui se revendique lui-même comme «sioniste») a été violemment insulté lors d'un rassemblement des Gilets jaunes. «Barre-toi, sioniste de merde», «Bâtard», ou encore «la France elle est à nous !», ont notamment lancé plusieurs individus à l'attention de l'intellectuel. D'autres l'ont enjoint à rentrer chez lui «à Tel Aviv».

Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris pour «injure publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, par parole, écrit, image ou moyen de communication électronique». Selon Le Parisien, l'un des manifestants ayant injurié Alain Finkielkraut aurait évolué «dans la mouvance islamiste en 2014». Le journal précise cependant qu'il n'est pas fiché au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

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Ciblé pour ses «positions sur Israël» ?

Alors que l'ensemble de la classe politique a affiché son soutien à Alain Finkielkraut et dénoncé les insultes qui l'ont visées, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a ajouté que le philosophe avait été «hué aux cris de "sale Juif"».

Cette insulte présumée n'est toutefois pas clairement «distincte dans le bruit de la foule», selon le site CheckNews de Libération, qui précise avoir réécouté plusieurs fois l'extrait vidéo de la scène sans pouvoir trancher. Les journalistes présents sur les lieux n'ont pour leur part pas été en mesure de confirmer avoir entendu ces termes.

Alain Finkielkraut, lui aussi, a précisé ne pas avoir entendu cette insulte précise. Sur LCI, évoquant la prise de position de Benjamin Griveaux, l'académicien a déclaré : «Je comprends très bien sa protestation, je suis ému par le témoignage de solidarité qu’il a manifesté, mais on ne m’a pas traité de sale juif. Et on ne m’a jamais traité de sale juif. En revanche, on me traite à chaque fois que je mets le nez dehors dans ce genre de manifestation, on me traite de sale raciste. […] Quand vous êtes traité de juif, vous pouvez redresser la tête et puis l’injure vous pouvez la porter comme une couronne, mais quand vous êtes traité de raciste, vous êtes tout d’un coup coupable du pire des crimes.» 

Interrogé par Le Parisien, Alain Finkielkraut (qui partage par ailleurs la conception selon laquelle «la haine planétaire d’Israël est le nouveau visage de l'antisémitisme») a estimé qu'il avait été pris à partie en raison de «[ses] liens et [ses] positions sur Israël». «C’est un groupe de gens politiquement difficilement situables, me semble-t-il un mélange de gens des banlieues, de l’extrême gauche et peut-être aussi des soraliens», a-t-il  affirmé, pointant également du doigt la rhétorique «islamiste» de l'un des manifestants. 

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