Que s’est il passé la nuit du 18 juillet, quand Alexandre Benalla a appris qu'il avait été reconnu en train de frapper un manifestant sur les vidéos d'une manifestation du 1er mai à Paris ? Dans une enquête publiée le 4 février dans le quotidien 20 Minutes, le journaliste Vincent Vantighem passe en revue la liste des très nombreux contacts téléphoniques qu'a eu l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron avec diverses personnalités, collaborateurs de l'Elysée et autres policiers.
Juste après la parution de l'article du Monde révélant les violences qu'il avait commises, Alexandre Benalla s'est attablé au Damas café, un bar à chicha proche des Champs-Elysées et du palais présidentiel. Ses fadettes (factures détaillées des communications téléphoniques) révèlent qu'il a échangé avec pas moins de 33 contacts, entre 20h et 2h30 du matin, qui vont tenter de voler à son secours et lui prodiguer leurs conseils.
Des policiers en mission illégale
Plusieurs policiers vont notamment échanger avec lui. Trois vont se mobiliser pour le chargé de mission à l'Elysée. A la préfecture, Maxence Creusat, commissaire de police, encouragé par son supérieur Laurent Simonin, s'est mis en demeure d'extraire des images de vidéosurveillance à décharge, qui montrent les manifestants jeter cendriers et carafes d'eau sur les CRS avant l'altercation avec Alexandre Benalla.
L'officier de liaison entre la préfecture de police et l’Elysée, Jean-Yves Hunault, les assiste. Seul écueil de cette manœuvre chevaleresque : elle est totalement illégale. La copie s'étant révélée impossible pour des raisons techniques, les policiers ont confié le précieux CD original à Jean-Yves Hunault qui est allé lui-même l'apporter à Alexandre Benalla, au Chicha bar, vers 23h. Les trois sont aujourd'hui mis en examen pour ces faits.
Le même soir, des soutiens inattendus ont contacté le chargé de mission de l'Elysée, comme l'animateur et humoriste Yassine Belattar, proche d'Emmanuel Macron, ou l'avocat franco-israélien Arno Klarsfeld, qui l'a gratifié de tuyaux pour minimiser ses faits devant la justice. Alexandre Benalla va aussi recevoir des appels de ses contacts dans le domaine de la sécurité, et notamment de Jimmy Reffas, l’ancien garde du corps de Johnny Hallyday. L'homme dément avoir été en contact avec le chargé de mission de l'Elysée, malgré les preuves fournies par les fadettes. Plus étrange encore : il contacte à son tour Jean-Yves Hunault, l'officier de liaison entre la préfecture de police et l’Elysée, pour une raison inconnue.
Dans la même soirée, 20 Minutes suppute qu'Alexandre Benalla, qui est entré en contact avec plusieurs proches installés dans l’Eure, a pu organiser la fuite de sa compagne Myriam, que la police retrouvera deux mois plus tard dans la région.
Les collaborateurs de l'Elysée à la rescousse
Le chargé de mission fut, en outre, cette nuit-là le centre d'attention de nombreux salariés de l'Elysée, comme Ludovic Chaker, conseiller du chef d’état-major particulier du président, ou encore François-Xavier Lauch, chef de cabinet d'Emmanuel Macron, qui rentrent tous deux en contacts avec lui. Jean-Luc Minet, le commandant militaire en second de l’Elysée, va s'entretenir 14 minutes avec Alexandre Benalla.
Ismaël Emelien, proche conseiller en communication d'Emmanuel Macron, cité dans l'enregistrement de la discussion entre Alexandre Benalla et Vincent Crase le 26 juillet publiée par Médiapart, pourrait être l'un des hommes clés de la soirée. Selon 20Minutes, son portable a borné près du Damas Café vers 2h du matin et les deux hommes se sont écrit jusqu'à 2h25. Les enquêteurs imaginent que cet homme de l'ombre aurait pu récupérer à ce moment le CD de vidéos et permettre leur diffusion quasi immédiate sur les réseaux sociaux.
20Minutes a tenté de contacter le conseiller, qui n'a pas souhaité commenter ces informations. Ismaël Emelien n'a d'ailleurs pas été entendu dans le cadre de l'enquête et n'a pas été auditionné par le Sénat.