Même armé des meilleurs intentions, les journalistes chargés de lutter contre les fake news peuvent contribuer à les diffuser. Samuel Laurent, journaliste au Monde et responsable des Décodeurs, service mis en place par le quotidien du soir en 2014 afin de vérifier des informations relayées principalement sur internet, en a fait la malencontreuse expérience le 1er février.
Le journaliste a en effet publié une image mettant en vis-à-vis une capture d'écran d'un tweet accusant RT France de fake news et une image supposée démontrer que cette accusation s'appuyait en réalité sur une fausse information – une fausse fake news, donc. Difficile à suivre, d'autant que Samuel Laurent a publié ce message sans aucun autre commentaire permettant d'expliquer ou de comprendre ce dont il s'agissait.
A première vue, en effet, rien ne permet de comprendre, dans le message publié laconiquement par Samuel Laurent, quelle information le journaliste se charge d'invalider : RT France a-t-elle mis en scène l'interview d'une Parisienne dénonçant de fausses agressions de Foulards rouges ? Ou une internaute a-t-elle inventé de toutes pièces une fausse interview pour décrédibiliser RT France ? C'est bien évidemment la seconde option qu'il fallait comprendre, mais force est d'admettre que le décodage du décodeur prête à confusion.
Et de fait, plusieurs personnes s'y sont trompées, comme en témoignent ces commentaires publiés en réaction à la publication de Samuel Laurent. Loin de les éclairer, celle-ci semble au contraire les avoir induits à croire que RT diffusait de fausses interviews.
Preuve que l'initiative de Samuel Laurent manquait apparemment de précision et que mêmes des esprits aussi éclairés que ceux des parlementaires peuvent se laisser piéger par de fausses informations, la députée La République en marche (LREM) de la troisième circonscription de l'Aude, Mireille Robert, a effectivement cru que RT avait mis en scène une interview. Son tweet d'indignation a par la suite été relayé par un autre député LREM, Aurélien Taché.
Face aux malentendus suscités par son premier message, Samuel Laurent a donc jugé nécessaire de faire une mise au point, toujours sur Twitter. «C'est un fake utilisé pour critiquer un média accusé de propager des fakes», explique-t-il. Il aurait pu préciser au passage que RT France n'a jamais pratiqué de mise en scène ni diffusé de fake news.
Que conclure de cet épisode ? Sans doute que les «décodeurs» peuvent, eux aussi, commettre des erreurs ou des négligences conduisant à la diffusion de fausses informations, mais également que les députés qui ont voté une loi de lutte contre les fake news ne sont pas à l'abri des pièges de l'information et d'internet. De quoi inciter chacun à la prudence.