«L'Ofii organise et paie votre voyage de retour. Et nous examinons avec vous si nous pouvons vous offrir un soutien supplémentaire.» Voilà ce qu'on peut lire sur la page d'accueil du site www.retourvolontaire.fr, disponible en 18 langues dont le pachtoune, l'arabe, le bengali ou encore le tamoul.
Volet peu connu de la politique française sur la gestion des étrangers en situation irrégulière, l’aide au retour volontaire a concerné l'année passée plus de 10 000 personnes au total, selon Le Monde. En 2017, ils étaient 7 114 à en bénéficier selon le rapport d'activité annuelle de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), ce qui constituait déjà une augmentation de 30,9 % par rapport à 2016.
9,91 millions d'euros en 2017 pour les retours volontaires
Des ressortissants de cinq pays nécessitant un visa pour entrer en France (l’Afghanistan, la Chine, Haïti, l’Algérie, le Pakistan), représentent 55,1% de l’ensemble des retours volontaires opérés en 2017. Ce sont pour une grande majorité des hommes (70%), célibataires ou isolés (82,5%) dont l'âge moyen est de 35 ans, qui ont été concernés par ce programme. La France a dépensé 9,91 millions d'euros en 2017 pour financer ces retours.
Ce dispositif d’aide au retour volontaire et à la réinsertion et prévu par l’arrêté du 17 avril 2015 est entré en vigueur le 1er mai 2015. Les étrangers susceptibles d'y prétendre sont, très précisément : ceux qui sont en situation irrégulière ; ceux qui sont engagés dans une procédure de demande d’asile qu'ils ne souhaitent pas poursuivre ou qui a été refusée ; et ceux qui ont reçu une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Ils doivent également être présents depuis au moins 6 mois sur le territoire français. Les réfugiés statuaires désirant repartir peuvent également en bénéficier.
Politique d'incitation au retour
L'Ofii mène une politique d'incitation au retour : «Nous les démarchons pour leur proposer l’aide au retour, d’autant que les retours forcés sont très difficiles», explique Didier Leschi, le directeur général de l’Ofii, répondant au Monde.
Pour faire la promotion du retour volontaire, les agents de l'Ofii se rendent dans des campements, des centres d’hébergement du 115 ou des centres de demandeurs d’asile dans lesquels s’éternisent des déboutés. L’office tient même des stands dans des salons «diasporiques».
Mais de quoi s'agit-il précisément ? Les aides au retour volontaire incluent l’organisation et la prise en charge financière des trajets retours par l’Ofii, ainsi que le versement d’une aide financière qui peut s'élever à 650 euros par personne pour les ressortissants de pays tiers soumis à visa.
Jusqu'à 5 700 euros pour construire son projet
Mais il y a plus. L'aide à la réinsertion dans le pays d'origine est vantée par l'Ofii comme très alléchante.
Pour «faciliter et favoriser leur réinstallation durable dans leur pays», les étrangers qui veulent bien rentrer chez eux peuvent bénéficier de sérieux coups de pouce de l'Etat français. S'ils ont un projet, ils peuvent par exemple bénéficier d’une aide à la création d’entreprise attribuée par l’Ofii, qui comprend la réalisation d’une étude de faisabilité du projet, la prise en charge d’une partie des frais de démarrage de l’entreprise en complément de l’apport personnel mobilisé par le bénéficiaire et le suivi de l’activité pendant un an et dans la limite de 5 700 euros.
530 emplois ont ainsi été créés en 2017, particulièrement en Afrique subsaharienne, selon les informations publiées dans le rapport d'activité de l'Ofii. Cette même année, ce sont 1 899 aides dont 1 627 aides à la création d’entreprise qui ont été délivrées.
A titre d'exemple, le rapport cite le cas de Soad Diouf, 30 ans, ingénieur, qui a créé un cabinet d’audit spécialisé dans le domaine de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables au Sénégal. Avec un apport personnel de 2 029 euros, l'homme a obtenu une subvention de l'Ofii de 5 499 euros pour monter son projet.
Une aide à la réinsertion par l’emploi existe également. Les candidats au retour sont ainsi assistés dans leur recherche d'emploi dans leur pays par un «opérateur local spécialisé» et éventuellement une aide financière «pour prendre en charge une partie du salaire (50 % maximum) sur une durée maximale d’un an et dans la limite de 4 000 euros, ou par le financement d’une formation professionnelle améliorant l’employabilité du candidat et dans la limite de 1 000 euros».
Des retours qui font rêver
Sur le site dédié au retour volontaire mentionné plus haut, on peut ainsi découvrir les histoires de plusieurs immigrés rentrés au pays. La vidéo bande-annonce de ces aventures personnelles, censée donner envie de rentrer dans son pays d'origine, fait bel et bien rêver. La réalisation, très professionnelle, montre des images tournées en très haute définition dans lesquelles on peut admirer de magnifiques paysages du Maroc, du Sénégal ou d'Arménie. On y voit d'anciens immigrés venus en France repartis vivre dans leur territoire, et redevenus des locaux souriants, riant même aux éclats, au milieu de leurs proches, s'activant dans des projets formidables participant visiblement du développement de leur pays. Le drapeau tricolore flotte au milieu de ces images de bonheur.
Outre la bande-annonce, on découvre à travers plusieurs vidéos très attrayantes aux scénarii romancés, des personnes heureuses de retrouver leur familles, évoluant paisiblement dans une atmosphère de sérénité et de joie. Ainsi, si l'on en croit les vidéos, grâce à l'aide au retour de l'Ofii, Hamid est devenu menuisier au Maroc, Narek, producteur de fraises en Arménie et Asmaou, chef d'entreprise au Sénégal. Cette dernière explique que son seul regret est de «ne pas être rentrée plus tôt».
Ces vies d'immigrés revenus au pays, d'apparence féerique, interrogent.
Contactée par RT France, Julie Loret, qui a été intervenante sociale auprès de demandeurs d'asile à Toulon durant près de trois ans, n'a «jamais vu personne bénéficier de sommes pareilles» mais elle reconnaît que cela «dépend peut-être des régions».
En 2016, l’année du démantèlement de la «jungle», le bureau de Calais a monté plus de 500 dossiers de départs volontaires, selon Le Monde. Les candidats au départ restent toutefois marginaux, assure le quotidien qui a enquêté sur la question. «Ce sont surtout les personnes épuisées qui ne souhaitent pas demander l’asile en France ou des personnes qui rentrent pour des raisons familiales», confie au journal Laura Defachel, agent du retour volontaire et de la réinsertion à l'Ofii.
A partir du 1er janvier 2019, dans le cadre de la loi asile et immigration votée en 2018, les agents de l’Ofii iront également promouvoir l’aide au retour dans les centres de rétention administrative.
Meriem Laribi
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