Les macronistes pensaient sans doute agir en catimini. Mais c'était sans compter sur la vigilance de Stéphane Bern, en charge d'une mission sur le patrimoine. Dans la nuit du 17 au 18 décembre, les députés de La République en marche (LREM) ont adopté un amendement, supprimant un article du Sénat qui prévoyait d'exonérer le loto du patrimoine de la taxation (CSG, TVA et autres) que l'Etat prélève habituellement sur les jeux de loterie.
L’Assemblée nationale fait tout pour torpiller le loto du patrimoine à la demande du rapporteur Joël Giraud
Une exonération totale aurait été «une première pour un jeu de hasard», a estimé le rapporteur général du Budget Joël Giraud (LREM), jugeant notamment qu'elle aurait «pu être préjudiciable sur les comptes publics, du fait, par exemple, d’un report des activités de jeux vers celui qui serait exonéré, et donc sur l’organisation de nouveaux lotos du patrimoine».
Cette explication qui n'a pas du tout convaincu Stéphane Bern, qui a laissé éclaté sa colère sur Twitter, le 18 décembre : «L’Assemblée nationale fait tout pour torpiller le loto du patrimoine à la demande du rapporteur Joël Giraud [...] Je me battrai pour sauver notre patrimoine en danger contre tous ces technocrates.»
Plusieurs élus ont partagé le même sentiment d'exaspération. Dans un communiqué, la sénatrice centriste UDI Catherine Desailly-Morin a dénoncé «un coup bas de l'Assemblée nationale» : «Cette décision [celle des marcheurs] constitue un mauvais signal adressé aux Français qui se sont massivement mobilisés en faveur du patrimoine lors de sa première édition.»
Le président Les Républicains (LR) de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, a de même abondé dans le sens de Stéphane Bern : «Les députés de la République En Marche [ont] rétabli la taxation du loto du patrimoine. Le Sénat avait voté l'exonération des jeux en faveur du patrimoine. Le bon sens doit l'emporter !»
Le député et président de Debout la France (DLF) Nicolas Dupont-Aignan, quant à lui, s'est dit «écœuré» de voir le loto du patrimoine devenir «un instrument fiscal de Macron [qui] cache la baisse du budget dédié au Patrimoine !»
Le ministre de la Culture Franck Riester a toutefois tenté d'éteindre le début d'un nouveau foyer de polémique. «La décision de l’Assemblée nationale de ne pas modifier les dispositions légales du loto ne remet nullement en cause le dégel des 21 millions d’euros décidé en 2018 pour le patrimoine», a-t-il attesté sur les réseaux sociaux.
En effet, après le succès du premier loto du patrimoine, le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin avait déjà suscité la polémique, le 22 octobre dans l’hémicycle, en confessant que les taxes prélevées sur le ce jeu seraient perçues par l'Etat (environ 14 millions d'euros). Stéphane Bern était alors monté au créneau, promettant qu'il allait «s'employer» pour que les taxes puissent également revenir à la mission. «Tout doit aller au patrimoine en toute transparence», avait-il ajouté. Pour calmer les nombreuses critiques, le gouvernement avait dû concéder, fin octobre, le déblocage de 21 millions d'euros supplémentaires en faveur du patrimoine.
L'opération «loto du patrimoine» vise à financer la rénovation de monuments en France à travers un jeu de grattage et un loto. 18 monuments «emblématiques» en péril doivent en bénéficier, sur quelque 270 sélectionnés.
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