Souvent décrit comme un penseur social-libertaire, proche de la pensée de George Orwell, Jean-Claude Michéa, intellectuel reconnu, s'était montré discret depuis quelques mois. Les manifestations des gilets jaunes ont poussé l'auteur de Notre ennemi, le capital à sortir de sa réserve.
Dans une lettre publiée sur le blog «Les amis de Bartleby», Jean-Claude Michéa juge le mouvement des gilets jaunes comme « l’exact contraire de Nuit Debout ». En effet, il considère ici que «ce sont bien ceux d’en bas [...] qui se révoltent». A contrario, il a vu dans Nuit debout du printemps 2016 une contestation d'«urbains hypermobiles et surdiplômés [...] encouragée par une grande partie de la presse bourgeoise». Nuit debout a été soutenu par des individus qui constituent, selon Jean-Claude Michéa, «le principal vivier dans lequel se recrutent les cadres de la gauche et de l’extrême gauche libérales».
Les gilets jaunes seraient, pour le professeur de philosophie, plutôt de la même farine que Podemos : une colère venant du bas «avec déjà suffisamment de conscience révolutionnaire pour refuser d’avoir encore à choisir entre exploiteurs de gauche et exploiteurs de droite». Fidèle à sa pensée, l'écrivain ne peut que soutenir un mouvement populaire qui transcenderait les clivages.
La gauche, les écologistes ou le gouvernement, Michéa accuse
Dans son billet, et comme à son habitude, il n'hésite pas à s'en prendre à la gauche qui, d'après lui, va à l'encontre du peuple. Ainsi, il ne manque pas de faire des reproches à la députée de La France insoumise (LFI) Clémentine Autain ou au fondateur de Génération.s Benoît Hamon. Tous deux feraient partie, selon lui, des coupables ayant empêché la formation d'un Podemos en France, puisque «enterrant ce mouvement prometteur en le coupant progressivement de ses bases populaires». Comme il l'a souvent exposé dans ses ouvrages, Jean-Claude Michéa ne tarit pas de critiques contre «la gauche», qu'il nomme «kérosène», «qui navigue d’aéroport en aéroport pour porter dans les universités du monde entier la bonne parole "écologique" et "associative"». Une critique de la gauche qui serait déconnectée du terrain, selon lui, mais la première à faire la morale au peuple.
«Un gouvernement cynique et impavide»
«La seule question que je me pose est donc de savoir jusqu’où un tel mouvement révolutionnaire [...] peut aller dans les tristes conditions politiques qui sont les nôtres», s'interroge-t-il. Il s'inquiète du pouvoir macronien actuel, celui d'«un gouvernement cynique et impavide qui est clairement prêt [...] à aller jusqu’aux pires extrémités pinochetistes pour imposer sa "société de croissance" et ce pouvoir antidémocratique des juges».
Le philosophe craint par ailleurs que le gouvernement ne tente d'«envoyer partout son Black Bloc et ses "antifas"» pour discréditer les gilets jaunes.
Toutefois, l'essayiste reste positif : «La colère de ceux d’en bas (soutenus, je dois à nouveau le marteler, par 75 % de la population) ne retombera plus, tout simplement parce que ceux d’en bas n’en peuvent plus et ne veulent plus.» «Le peuple est donc définitivement en marche !», assure-t-il.
Les différents appels des gilets jaunes à se rassembler le 24 novembre devraient être un indicateur. Le peuple est-il prêt à la révolution ? Jean-Claude Michéa semble n'attendre que cela.
Bastien Gouly