France

Trois ans après les attentats de Paris, comment la menace terroriste a-t-elle évolué en France ?

Si l'état d'urgence a pris fin en 2017, Nicole Belloubet rappelle que la menace terroriste reste élevée. Dont acte : un groupe qualifié d'«ultra-droite» qui voulait attaquer Emmanuel Macron a été démantelé en novembre. Le terrorisme a-t-il muté ?

Trois ans après les attentats qui ont frappé les rues de Paris, le Bataclan et le Stade de France, la menace terroriste serait toujours «à un niveau très élevé» à en croire les déclarations du garde des Sceaux, Nicole Belloubet, le 9 novembre à l'Assemblée nationale, où elle était venue soutenir le vote pour la création du parquet national antiterroriste (PNAT).

Cette création ayant été plébiscitée par les députés en commission des lois dans le cadre de l’examen en commission du projet de réforme de la justice, le procureur de la République antiterroriste pourrait prochainement se substituer au Parquet de Paris pour le traitement des infractions terroristes. Le texte sera examiné en première lecture dans l’hémicycle de l’Assemblée à compter du 19 novembre.

Nicole Belloubet a d'ores et déjà fait savoir qu'il s'agissait entre autres d'«offrir une visibilité institutionnelle à ce procureur [...] au plan national et international», tout en assurant que cela «ne vis[ait] nullement à remettre en cause la remarquable action» de François Molins, ex-procureur de la République de Paris qui a été depuis 2015 le visage de l’antiterrorisme en France.

La menace serait, donc, toujours très élevée. Pourtant, le chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT), Jean-Pierre Bosser, livrant ses réflexions sur l'avenir du plan Sentinelle (dit Sentinelle III) le 17 octobre 2018 devant les sénateurs réunis pour la commission des Affaires étrangères, Défense et Forces armées, laissait entendre que la menace terroriste était moindre sur le territoire national : «Je m'interroge, un an après la mise en oeuvre de ce Sentinelle rénové, sur le visage que pourrait prendre Sentinelle III [...] parce que la menace diminue et si les services de renseignement confirment cette situation, je pense que le moment est venu de ne pas inscrire Sentinelle dans une sorte de plan "Vigipirate" permanent.»

Moins d'exposition médiatique pour l'islamisme, mais plus pour l'«ultra-droite» ?

La menace terroriste est-elle moindre et, en même temps, «toujours à un niveau très élevé» ? En tout état de cause, l'état d'urgence qui avait été décidé en 2015, puis levé en 2017 et dont une partie des dispositions ont été intégrées à la loi et, à observer la médiatisation des opérations antiterroristes récentes, le foyer du terrorisme semblerait presque s'être déplacé : du djihadisme islamiste, il aurait opéré un glissement vers l'«ultra-droite». Le 23 juin, dix personnes qui seraient liées à cette mouvance ont été mises en examen pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle» et étaient suspectées de préparer des attentats contre des individus liés à l'islam radical. Le 6 novembre, c'est toute une cellule également suspectée d'être liée à l'«ultra-droite» qui a été démantelée. Les mis en cause, décrits comme «déterminés», sont soupçonnés d'avoir préparé une action violente contre Emmanuel Macron.

Le 5 novembre, à l'occasion de l'installation du nouveau patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), Nicolas Lerner, le nouveau ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a pour sa part déclaré : «Je voudrais le redire non pas avec inquiétude mais avec fermeté : la menace terroriste est toujours […] extrêmement présente » et de rappeler que cinq attentats avaient été déjoués depuis début 2018. Le remplaçant de Gérard Collomb a également affirmé que la DGSI devait rester «particulièrement active sur les autres menaces qui pèsent sur notre pays [...] notamment l’espionnage, les actions d’influence et d’ingérence menées par certaines puissances étrangères contre nos intérêts [ainsi qu'aux] mouvements extrémistes de droite comme de gauche, très actifs sur notre territoire.»

Dans une interview publiée par Le Journal du dimanche du 11 novembre, l'ancien patron des renseignements et nouveau bras droit de Christophe Castaner, Laurent Nunez, a quant à lui livré le nombre de «projets d'attentats islamistes» déjoués depuis novembre 2013 : 55, «dont six cette année». Un chiffre sensiblement différent de celui de Christophe Castaner, mais qui confirmerait plutôt une décrue du phénomène islamiste, que le nouveau secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur attribue en partie à la croissance des moyens mis en place : «Nous sommes mieux armés qu’hier. Juridiquement et budgétairement.»

Laurent Nunez souligne également que le budget de la DGSI «augmentera de 20 millions d’euros» en 2019 et que «les effectifs seront renforcés : 1 900 des 10 000 nouveaux postes dans les forces de l’ordre seront affectés aux services de renseignement.»

Si on récapitule l'état de la menace selon ces différentes déclarations, l'«hydre» qu'évoquait le président Macron lors de l'hommage au colonel Beltrame aux Invalides aurait donc actuellement trois têtes : non plus seulement le djihadisme, mais également l'«ultra-droite» et les «mouvements extrémistes» de gauche.

A en croire l'analyse du chef d'état-major de l'armée de terre, la France bénéficierait actuellement d'une décrue du phénomène, cependant, les moyens de la DGSI continuent de croître et le champ de la surveillance semble également s'étendre.

Antoine Boitel.

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