La commission d’enquête de Guyane, qui devait statuer sur l’autorisation de cinq forages accordés au groupe Total au large des côtes, vient de rendre un avis favorable, provoquant la colère de nombreux écologistes. Ce permis, accordé en premier lieu par la France durant les négociations de la loi sur les hydrocarbures en novembre 2017, est un «passe-droit» qui aura de graves répercussions environnementales selon Marine Calmet, porte-parole de l'association Stop Pétrole Offshore Guyane, interrogée par RT France.
Plusieurs hommes politiques ont déjà réagi à cette nouvelle. Yannick Jadot, député européen Europe Ecologie - Les Verts (EELV), a dénoncé la «contradiction» d'Emmanuel Macron «à propos du dérèglement climatique».
Julien Bayou, porte-parole d'EELV, s'est pour sa part insurgé contre une «décision scandaleuse, alors que la France ne respecte déjà pas l'accord de Paris».
Cet avis de la commission d'enquête a été rendu sans tenir compte des résultats d'un sondage mené auprès de 7183 citoyens en août 2018. Ceux-ci avaient exprimé leur désaccord avec le forage à plus de 98% – un record pour une enquête publique en Guyane.
Une décision d'autant plus surprenante que la loi Hulot, adoptée en novembre 2017, interdisait la recherche ainsi que l’exploitation d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels... Si la mesure législative était symbolique, puisque l'exploitation de pétrole sur le territoire français ne couvre qu’environ 1% de la consommation nationale, elle visait surtout à fixer un cap pour ne pas aggraver le réchauffement climatique. Comme le révélait Le Canard enchaîné dans son édition du 7 mars 2018, le gouvernement n'hésite pas, «en toute discrétion et via une flopée d'arrêtés et de décrets, à octroyer une vingtaine de permis de recherche [...] sur le territoire français».
Tour de passe-passe
Car le groupe Total a su faire valoir, durant les discussions de la loi Hulot au parlement, qu'il n'avait pas besoin, pour ses forages, d'un nouveau permis, mais simplement d'une prolongation d'un permis déjà existant. En effet, le géant pétrolier avait déjà réalisé des forages off-shore (infructueux) en 2012 et 2013 dans la zone Sud-Est : il estime donc que les nouvelles fouilles qu'il entend conduire dans le potentiel réservoir de la «zone centrale, dans la partie Nord-Ouest», ne sont que la continuation de l'exploration précédente.
Le gouvernement délivre ce permis et sacrifie les engagements climatiques
Pour Marine Calmet, cette manœuvre «illustre encore le décalage entre les paroles et les actes de ce gouvernement : accord de Paris, loi Hulot et prescriptions du GIEC, le gouvernement délivre ce permis et sacrifie les engagements climatiques». En outre, elle critique le fait que le «permis de Total a dû être prolongé pour "circonstances exceptionnelles", concept complètement obscur qui peut en fait être assimilé à un passe-droit qui a donné à Total trois années supplémentaires pour lancer les travaux».
Outre l’autorisation contrevenant aux principes adoptés par la France, les forages de Total inquiètent les écologistes qui y voient de graves menaces pour l’environnement. L'ONG les Amis de la terre a ainsi taclé la prolongation du permis.
Total n'a pas fourni de schéma de dispersion des nappes de pollution en cas de pollution
«Les forages se situent à quelques kilomètres du récif de l'Amazone, un récif qu'on vient à peine de découvrir et dont on ignore tout. Les eaux guyanaises seraient une zone de mise bas et de nurserie pour plusieurs espèces : cachalot, grand dauphin et possiblement baleine à bec. Ces espèces pourraient être directement impactées, par la pollution sonore et environnementale», explique la porte-parole du collectif Stop Pétrole Offshore Guyane. Elle pointe également du doigt le risque de marée noire : «On parle d'une contamination de l'ensemble de la côte et des pays voisins. Sur la zone, les courants marins sont violents et changeants et Total n'a pas fourni de schéma de dispersion des nappes de pollution en cas de pollution.»
Le groupe Total a prévu de débuter ses opérations de forage fin 2018 ou début 2019 pour une période de quatre mois. La commission a assorti son avis de recommandations, qui portent notamment sur l’établissement d’un cahier des charges spécifique sur les procédures de rejet des boues dans l’océan et le traitement des boues toxiques, ainsi qu’un contrôle de ces opérations.