La fin prochaine de la taxe d'habitation, en 2021, tourne au conflit généralisé. Alors que le gouvernement a déjà réduit cette taxe pour les ménages les moins aisés, plus de 6 000 communes françaises, selon des informations du Figaro, l'ont augmentée pour compenser. En effet, la taxe d'habitation a cette particularité d'être à la fois fixée par les collectivités locales et, d'autre part, d'être gérée, dans sa perception, par l'Etat.
D'abord, sur les réseaux sociaux, des internautes, en majorité des soutiens du parti présidentiel, ont ciblé les maires ayant augmenté la taxe d'habitation dans leur commune, avec le hashtag #BalanceTonMaire, dans une référence explicite à #BalanceTonPorc, le mouvement de dénonciation des agressions envers les femmes. Certains individus, parfois anonymes, ont d'ailleurs créé des listes recensant les édiles qui ont procédé à la hausse de cette taxe. L'un d'eux à même demandé aux citoyens «de dégager [leur] maire».
Des soutiens gênants ? Certains cadres de la macronie ou de la majorité ont en tout cas souhaité se désolidariser de cette campagne. La vice-présidente du groupe La République en marche (LREM) à l'Assemblée, Amélie De Montchalin, a par exemple estimé sur Europe 1 ce 12 octobre que «ce #Balancetonmaire [était] totalement inadapté». Ce qui n'empêche toutefois pas les élus macronistes et le gouvernement d'entrer clairement en conflit avec les élus locaux. Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a notamment renvoyé sur les maires la responsabilité de la hausse de la taxe d'habitation constatée par certains contribuables, en ciblant particulièrement le premier magistrat de Sceaux, Philippe Laurent, dans une intervention sur RTL.
Les maires peu rassurés par les promesses de compensation du gouvernement
Le Premier ministre, Edouard Philippe, a également jugé que ces maires n'avaient pas besoin de prendre des décisions «impopulaires» puisque «le gouvernement [a] indiqué qu'il procédait par voie de dégrèvement, c'est-à-dire qu'il compenserait intégralement la perte de la taxe d'habitation des collectivités territoriales». Sauf que le financement compensatoire ne rassure pas la plupart de ces maires. Ils craignent que l'Etat ne tienne pas ses promesses, d'autant plus lorsque ce dernier annonce vouloir réduire une dette publique qui frôle les 100% du PIB.
Interviewé par RT France, Jean-Michel Fourgous, maire Les Républicains (LR) d'Elancourt questionne ainsi : «Où Monsieur Macron peut-il trouver l'argent, près de 27 milliards d'euros ?», soit le montant total de ce que rapporte la taxe d'habitation aux communes. La baisse de la taxe d'habitation «est une mesure politicienne, clientéliste, manipulatoire», ajoute-t-il.
Alors que plusieurs milliers de communes ont vu leurs dotations baisser, le maire d'Elancourt alerte : «On ne peut plus financer les voiries : un nid de poule c'est grave quand vous passez en vélo ou en moto. On arrive à un niveau d'asphyxie qu'on ne comprend pas très bien [...] C'est un moment insupportable pour les maires [...] il y en a 36 000 qui sont en situation difficile.»
Il rappelle d'ailleurs que «les collectivités sont les premiers investisseurs» : «Nous construisons les gymnases, les écoles et on fait travailler les entreprises françaises donc ça augmente le PIB et cela crée de l'emploi.»
Le gouvernement a par ailleurs lancé plusieurs piques aux maires, qui ont été tentés d'augmenter la taxe d'habitation en prévision d'un affaiblissement de leur budget. Gérald Darmanin a ainsi tweeté une photographie d'un avis de taxe d'habitation avec, sur celui-ci, un encart précisant la bonne action du gouvernement, celle d'une réduction de 30% de la taxe, pointant du doigt, dans le même temps, la décision des municipalités. «A la suite de la réforme nationale de la taxe d'habitation, vous bénéficiez pour cette année d'une réduction de 30% de cet impôt. Toutefois, l'une au moins de vos collectivités locales ayant augmenté son taux ou supprimé des avantages vous concernant, votre gain est diminué», peut-on y lire.
Dans son éditorial du 12 octobre dans le quotidien Maire Info, appartenant à l'Association des maires de France, le journaliste Franck Lemarc estime que «la majorité présidentielle lance une campagne de dénigrement contre les maires». Il fustige «les éléments de langage du gouvernement et du parti LREM, répétés en boucle [qui] consistent clairement à charger les maires pour leur faire porter toute la responsabilité des hausses». «Autrement, dit, plutôt que de s’interroger sur sa communication peut-être un peu trop triomphaliste, qui a laissé croire que tous les foyers modestes allaient connaître une baisse de la taxe d'habitation, le gouvernement choisit de s’en prendre aux maires», poursuit-il.
Si l'exécutif semble ne pas privilégier les politiques publiques à destination des communes rurales, la rupture entre l'ensemble des collectivités locales et le gouvernement semble être consommée. Par les élections européennes de 2019, avant les municipales de 2020, les citoyens seront de fait les arbitres de cette division.
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