Le moins que l'on puisse dire, c'est que le rapport de l'Institut Montaigne intitulé «La fabrique de l'islamisme», ébauchant des pistes de lutte contre le radicalisme islamique publié le 10 septembre, a peu convaincu les représentants du monde musulman en France.
Dans un communiqué, Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, a ainsi regretté «que ce rapport opportuniste et partial ait pu tomber dans l’amalgame aisé entre islam et islamisme, oubliant volontairement la communauté musulmane de France». Il dit «s’étonner vivement des termes de ce rapport lacunaire qui fait fi de toutes considérations religieuses et d’analyse sociologique avérée». Pour Dalil Boubakeur, «la communauté musulmane de France ne saurait raisonnablement porter le fardeau de l’islamisme et faire l’objet d’un traitement différent des autres cultes».
«C'est la montagne qui a accouché d'une souris, il n'y a aucune proposition nouvelle», a de son côté estimé Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français pour le culte musulman (CFCM), instance élue considérée comme représentative par les pouvoirs publics. «C'est aux musulmans de s'occuper de leur religion, ce n'est pas à l'Etat de l'organiser», a-t-il jugé.
Un rapport tirant la sonnette d'alarme sur «la progression de l'idéologie islamiste»
Rendu public en plein débat sur l'organisation de l'islam en France, le rapport de ce groupe de réflexion libéral écrit par Hakim El Karoui s'inquiète de la prolifération des thèses islamistes, notamment sur internet.
Hakim El Karoui constate, en France, une «progression de l'idéologie islamiste» même si «les islamistes [...] sont largement minoritaires». Les salafistes (branche rigoriste de l'islam) «gagnent du terrain à l'intérieur de la communauté», surtout chez les jeunes, selon lui. «Il y a à peu près 800 000 à un million de personnes qui suivent un discours religieux [...] produit par les salafistes», a-t-il affirmé sur Europe 1, disant s'appuyer sur l'étude d'un institut de sondage. Selon l'auteur du rapport, la France doit «se doter de moyens et de réseaux importants pour diffuser [un] contre-discours» aux thèses salafistes.
Cet ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon constate aussi que le «halal» imprègne de plus en plus «la façon de vivre ensemble», avec le développement de sites communautaires, de covoiturage ou encore d'hébergement «halal».
Partant, l'auteur du rapport propose de réformer la deuxième religion de France, en suggérant notamment la création d'une structure chargée d'organiser et de financer le culte musulman tout en luttant davantage contre le discours salafiste sur les réseaux sociaux.
Autre proposition du rapport : «Relancer l'apprentissage de la langue arabe» à l'école. Ce à quoi le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a répondu qu'il fallait donner à l'arabe (mais également à d'autres langues comme le chinois et le russe) «du prestige».
Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a quant à lui pris note de «propositions très intéressantes» du rapport, «qui appellent à un rassemblement et une mobilisation des musulmans républicains en France».
Anouar Kbibech : «La réalité sur le terrain [...] ne confirme pas cette montée de l’islamisme»
Invité sur le plateau de RT France le 11 septembre, le vice-président du CFCM Anouar Kbibech a déclaré que son organisation considérait que le rapport de l'Institut Montaigne était «déconnecté de la réalité». «La réalité sur le terrain [...] ne confirme pas cette montée de l’islamisme ou du salafisme, que prétend identifier ou reconnaître ce rapport», assure-t-il.
Si, pour Anouar Kbibech, «il y a des jeunes qui peuvent essayer de déstabiliser tel ou tel lieu de culte», les imams «font un travail formidable» pour lutter contre ces dérives.
Quant aux propositions listées dans le rapport, elles enfoncent des portes ouvertes, selon Anouar Kbibech, le CFCM ayant déjà formulé de telles propositions.