C'est dans la discrétion d'une nuit d'été, le 3 juillet, que l'Assemblée nationale a voté deux propositions de loi controversées contre la «manipulation de l'information» en période électorale.
Ces deux propositions de lois – ordinaire pour la première, applicable pendant les élections européennes, législatives, sénatoriales et les référendums, organique pour la seconde, dédiée à l'élection présidentielle – visent à permettre à un candidat ou parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de «fausses informations» durant les trois mois précédant un scrutin national. La première a été adoptée par 52 voix contre 22, la seconde par 54 contre 21, soutenues par LREM et une majorité des MoDem, malgré des réserves sur ce «premier pas».
Après un débat tendu resté inachevé en juin, portant notamment sur la définition même de «fausse nouvelles», le ministre de la Culture Françoise Nyssen s'est félicitée du vote d'un texte «précieux pour mieux protéger notre démocratie», qu'elle juge efficace et à la hauteur des enjeux.
«Totalitarisme glamour»
Mais les – nombreux – opposants aux textes ont une nouvelle fois mis en garde contre les dangers qu'ils comportent. Ainsi à droite, la député LR Constance Le Grip s'est inquiétée de textes «au mieux inapplicables et donc inutiles, au pire dangereux», et ce en dépit des réécritures successives, notamment pour la définition d'une fausse nouvelle.
Un point de vue qu'avait mis en avant début juin la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, pour qui ce texte «liberticide» bafoue «les valeurs de la démocratie». Dans l'hémicycle le 3 juillet, son parti a fustigé «une sorte de totalitarisme glamour» des «censeurs de l'information», alors qu'Emmanuelle Ménard, députée apparentée RN, a pour sa part estimé qu'il était «extrêmement dangereux» de laisser au CSA «les clefs de la censure».
De son côté, le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan a jugé que cette initiative du «roi de la fausse information élu président de la République», visait particulièrement RT France, qui dérange le pouvoir en place par sa capacité à traiter de sujets délaissés par les médias traditionnels.
Le souverainiste n'est par ailleurs pas le seul a suspecter que ces textes ont également une vocation géopolitique. A gauche de l'échiquier politique, le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon expliquait début juin que ces lois, qui sont de «grossières tentatives de contrôle de l'information», s'inscrivaient dans une bataille «pour le "soft" pouvoir». «J’ai cru comprendre que c’était Russia Today que vous cibliez», a lancé le député Eric Cocquerel dans l'hémicycle le 3 juillet, dénonçant des sanctions géopolitiques dans la continuité des mesures prises aux Etats-Unis contre RT.
Avant d'entrer en vigueur, ces propositions de lois, pour lesquels un risque de censure du Conseil constitutionnel a été évoqué par certains députés, devront désormais passer devant le Sénat.
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