Le géant du béton Lafarge a été mis en examen ce 28 juin pour complicité de crimes contre l'humanité, dans le cadre de ses activités en Syrie. Entendue par les trois juges chargés de cette enquête hors-norme, Lafarge SA (LSA), holding actionnaire majoritaire de la filiale syrienne Lafarge Cement Syria, mise en cause, est également poursuivi pour «financement d'une entreprise terroriste» et «mise en danger de la vie» des anciens salariés de l'usine de Jalabiya, dans le nord de la Syrie.
Lafarge est suspectée d'avoir versé entre 2011 et 2015 plus de 12 millions d'euros à des groupes armés en Syrie, dont Daesh, pour continuer à faire tourner sa cimenterie de Jalabiya dans le nord du pays malgré la guerre.
Depuis la plainte déposée par Bercy fin décembre 2016, dans le cadre de l'interdiction d'acheter du pétrole en Syrie, Lafarge a été accusée de vouloir saboter des preuves exploitables dans le cadre de l'enquête. Ainsi, le 12 décembre 2017, l'association Sherpa, qui avait également déposé plainte contre le groupe, affirmait que «des ordinateurs [avaie]nt été passés à l'eau de javel pour empêcher la justice de travailler».
Plus récemment, en mars 2018, l'émission Complément d'enquête révélait un témoignage affirmant que la diplomatie française avait été mise au courant des agissements de l'entreprise Lafarge par Damas.
Le mois suivant, après avoir eu accès aux procès-verbaux de l'audition du directeur de la sûreté du cimentier Lafarge, Libération révélait la participation, entre 2012 et 2014, de l’Elysée et du Quai d’Orsay à des discussions stratégiques sur l’envoi de soldats dans l’usine Lafarge en Syrie, alors occupée par des combattants de Daesh.
Alexandre Keller