France

Fake news : Reporters sans frontières propose un texte de loi alternatif

L'ONG Reporters sans frontières souhaite apporter des changements au projet de loi anti-fake news, notamment concernant l'extension des pouvoirs du CSA sur les médias «sous l'influence de l'étranger» ou encore la définition de fausse information.

Débattue le 7 juin à l'Assemblée, la très controversée loi sur la «manipulation de l'information» n'inquiète pas que le monde politique, où les critiques ont fusé autant à droite, avec la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, qui juge le texte «liberticide», qu'à gauche, avec le leader des insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui y voit une «une grossière tentative de contrôle sur l’information». L'ONG Reporters sans frontières (RSF), qui place la défense de la liberté d'informer au cœur de son action, a également l'intention de se faire entendre sur le sujet. 

Favorable à l'idée de légiférer pour lutter contre la désinformation, RSF propose toutefois plusieurs amendements majeurs du texte, afin que le gouvernement ne rentre dans la «logique des régimes autoritaires» qu'il dénonce et qu'il entend combattre. En premier lieu, l'ONG vise une des dispositions essentielles du texte, à savoir  l'élargissement des pouvoirs du CSA, qui pourrait, grâce à cette loi, interdire d'émettre à une chaîne de TV ou une radio contrôlée ou «sous l'influence» d’un Etat étranger, si celle-ci venait à «porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, notamment par la diffusion de fausses informations».

Une disposition dont RT peut légitimement s'inquiéter, non pas parce qu'elle remplit ces critères, mais parce qu'elle a été accusée par Emmanuel Macron et son parti de colporter des «fake news» sans pour autant que le moindre exemple n'ait jamais été cité. RSF souhaite sur cette question que le texte privilégie une autre logique, à savoir que le CSA puisse exiger des garanties d’indépendance éditoriale de l’ensemble des médias, et non uniquement de ceux qui sont sous «influence étrangère». Avec à la clé des «sanctions légitimes» pour tous ceux qui sortiraient des balises posées par le gendarme de l'audiovisuel.

Retirer la définition de «fausse information» du texte

Un autre point abordé par RSF concerne la mise en place d’une procédure judiciaire d'urgence pour limiter la propagation d'une information jugée fausse.

Sur cette question, l'ONG demande à ce que soit rejeté l'amendement relatif à la «mauvaise foi», notant la difficulté pour un juge d’évaluer ce critère en urgence. L'organisation veut en outre que soit revue la définition de «fausse information» donné par le texte et qui est la suivante : «Toute allégation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable.»

Pour RSF, cette définition méconnaît d'une part la logique du travail journalistique et prive d'autre part le juge de la charge de définir le caractère manifestement erroné d’une information.

Une loi séparée pour définir le statut juridique des plateformes de partage

Enfin, concernant l'introduction d'obligations de transparence quant au financement des publicités politiques, RSF souhaite une loi à part sur le sujet, notant son ampleur et la complexité.

En toile de fond, c'est le statut juridique des plateformes de partage qui doit être revu selon l'ONG, qui se fait ici l'écho des demandes des députés européens sur ce sujet. RSF veut en effet imposer à ces plateformes de nouvelles responsabilités et de nouvelles obligations, notamment en matière de transparence et de neutralité des algorithmes, de promotion de l’intégrité de l’information, et de respect des standards internationaux de la liberté d’expression.

En revanche, RSF se réjouit que le texte demande à ces même plateformes de collaborer avec la profession, «organisations représentatives des journalistes, éditeurs de presse et services de communication audiovisuelle», afin qu'elle mettent en avant en matière d'information les contenus qui proviennent des entreprises de presse.

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