France

Villiers et Macron : l'amitié improbable entre le souverainiste et l'europhile convaincu

Les relations amicales entre Philippe de Villiers et Emmanuel Macron ne cessent d'étonner les médias français. Confirmerait-elle la stratégie actuelle du locataire de l'Elysée, désireux d'adresser des signaux positifs sur sa droite ?

Le fondateur du Mouvement pour la France (MPF), Philippe de Villiers a-t-il l'oreille du président ? C'est ce qu'affirme Le Journal du dimanche (JDD) dans un article daté du 20 mai.

L'hebdomadaire revient notamment sur la scène cocasse qui s'est déroulée, le 8 mai, lors de la finale de la Coupe de France de football lors de laquelle Philippe de Villiers a rejoint Emmanuel Macron et son épouse dans la loge présidentielle : «Où est Philippe ?», se serait inquiété le président de la République. L'hebdomadaire dominical décrit ensuite les échanges enjoués qu'ont eus Emmanuel Macron et le fondateur du parc du Puy du Fou. 

«Tu as regardé ce que j'ai dit sur BFM ?», demande Philippe de Villiers, faisant allusion à une phrase qu'il a lâchée dans le documentaire Le Casse du siècle : «S’il avait une soirée à perdre, il préférerait la passer avec moi plutôt qu’avec Christophe ­Castaner.» Réponse du président : «Bien sûr !» Toujours selon l'hebdomadaire, Brigitte Macron appuie : «Qu'est-ce qu'on a rigolé !»

Macron et Villiers veulent-ils la même Europe ?

Bonne ambiance donc entre l'ancien candidat malheureux à deux élections présidentielles sous la bannière MPF (en 1995 puis en 2007) et Emmanuel Macron, même si leurs valeurs semblent pourtant s'opposer sur certains dossiers.

Le MPF est entré en léthargie en 2012, lorsque son président s'est mis lui-même en retrait de la vie politique pour des raisons de santé, mais la ligne qu'il lui avait donnée peut apparaître très éloignée des idées d'Emmanuel Macron, issu des rangs du Parti socialiste (PS) dont il a fait partie au moins de 2006 à 2009.

Ligne de fracture la plus évidente : Philippe de Villiers s'inscrit dans une tradition souverainiste et a activement milité contre les traités de Maastricht et de Lisbonne. L'ancien patron de la Vendée est connu pour avoir fustigé à de nombreuses reprises l'Union européenne qu'il juge trop coûteuse, technocratique et omnipotente dans sa version actuelle.

Des convictions à mille lieues des déclarations enflammées d'Emmanuel Macron qui annonçait le 17 avril devant le Parlement européen à Strasbourg qu'il voulait «refonder l'Europe» et affirmait que «la France [était] prête à augmenter sa contribution» tout en invitant l'Union européenne à s'aligner sur des «critères de convergence en matière de politiques sociale et fiscale.»

Villiers le catholique conseillera-t-il Macron sur la PMA pour tous ?

Mais Philippe de Villiers revendique également des valeurs catholiques et s'est affiché en tant que soutien de la Manif pour tous lors du mouvement de contestation contre le mariage pour tous en 2013.

Sur le sujet de la croyance, Emmanuel Macron semble actuellement adopter une posture pour le moins ambivalente : son gouvernement prépare une loi sur la bioéthique qui pourrait permettre une extension de la procréation médicalement assistée aux couples homosexuels. Une mesure qui va à l'encontre des valeurs pronées par l'Eglise catholique.

Plus étonnant encore : Philippe de Villiers estimait lors d'une interview au Journal du dimanche en février 2017 que Marine Le Pen avait «une carrure présidentielle». Le souverainiste s'est bien gardé de donner la moindre consigne de vote en faveur de tel ou tel candidat à l'élection présidentielle de 2017, mais le signal était fort au sein de sa famille politique incarnant la droite traditionnelle, à tendance catholique, après l'affaire dite du «Penelope Gate» qui a entaché la campagne de François Fillon.

OTAN, Russie, les sujets de discorde sur le volet international ne manquent pas

Enfin, sur le volet international, le MPF a souvent plaidé pour la sortie de la France de l'OTAN, contrairement à Emmanuel Macron qui a plus volontiers adopté une position qualifiée d'atlantiste par ses détracteurs, notamment lors du bombardement occidental en Syrie le 14 avril.

Concernant les relations diplomatiques parfois houleuses entre Paris et Moscou au cours des derniers mois, aucune ambiguïté du côté de Philippe de Villiers qui considérait en août 2014, après un entretien avec Vladimir Poutine à Yalta, que ce dernier se comportait «comme un vrai chef d’Etat, patriote, cherchant à restaurer les valeurs politiques, culturelles et morales de la grande Russie». Le fondateur du parc du Puy du Fou ajoutait à cet égard : «Le fait que Poutine ait souhaité implanter en Russie des parcs sur le modèle du Puy du Fou plutôt que des parcs d’attractions sur le modèle américain témoigne, lui aussi, de son attachement à l’âme de son pays. Il est l’homme qui fait sortir la Russie de l’ère communiste et qui lui rend sa grandeur. Pendant qu’en Europe il s’ouvre un McDonald's par jour, il se construit une église orthodoxe par jour en Russie. Poutine est assurément le plus grand chef d’Etat actuel.»

Je trouve qu'il restaure la symbolique régalienne

Une amitié étonnante donc entre les deux hommes politiques. Faut-il y voir une volonté de reconquête de l'électorat conservateur de la part d'Emmanuel Macron ? Pour le journal Marianne, il s'agirait peut-être aussi d'un engouement de Philippe de Villiers pour «la vision très "jupitérienne" qu'Emmanuel Macron a développée de l'exercice du pouvoir». L'hebdomadaire rapporte notamment les propos que lui a tenus le président du MPF en janvier : «Je trouve qu'il restaure la symbolique régalienne, même si je ne suis pas d'accord avec tout.» Le souverainiste réussira-t-il à influencer l'europhile du nouveau monde ?

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