Ce 12 mai, Maryam Pougetoux, la présidente du syndicat Union national des étudiants de France (Unef) Sorbonne, apparaissait voilée dans une interview diffusée sur M6. Cet entretien a provoqué nombre de réactions et poussé l'Unef à défendre sa représentante.
Le syndicat étudiant a notamment mis en cause Laurent Bouvet, professeur de théorie politique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et membre fondateur du Printemps républicain (mouvement de défense de la laïcité), accusé d'être à «l'origine de ce déferlement de haine» après avoir été le premier à partager une capture d'écran de l'interview de Maryam Pougetoux.
Le syndicat de gauche estime que leur représentante pour la Sorbonne est attaquée parce qu'elle est «une femme, musulmane portant le voile». Selon l'Unef, les voix qui s'émeuvent qu'un syndicat aux valeurs historiques de progressisme et de féminisme ait choisi une présidente portant le voile islamique, sont le symptôme d'une «islamophobie décomplexée». «Nous défendons les principes de laïcité et de féminisme et c'est au nom de ceux-ci que nous défendons le droit des étudiantes de faire leur propre choix, dont porter le voile», poursuit le communiqué de l'Unef.
La présidente nationale de l'Unef, Lila Le Bas, a en outre fait savoir que le syndicat n'était «pas pour l'interdiction du port du voile à l'université mais pour que l'ensemble des étudiants puissent avoir leur place à l'Unef», dont les «femmes voilées».
Unef et CCIF partagent désormais la même vision concernant le port du voile
Pourtant, dans un billet d'août 2013, l'Unef était elle-même vilipendée par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui reprochait à l'organisation étudiante de faire un «amalgame paternaliste et ignorant entre voile et soumission de la femme».
En cause, un communiqué de presse diffusé à l'époque par l'Unef après un rapport du Haut conseil à l'intégration sur la laïcité. Dans ce dernier (qui a depuis disparu du site de l'Unef), le syndicat étudiant expliquait, tout en précisant que la laïcité ne devait pas être «la stigmatisation de l'islam», qu'il militait «contre cette pratique [le port du voile] qui enferme les femmes dans une situation de soumission par rapport aux hommes». Le CCIF invitait alors les responsables de l'Unef à «ouvrir quelques livres» et à discuter avec des femmes musulmanes «avant de faire de tels raccourcis».
Dans la polémique sur le voile arboré par Maryam Pougetoux, l'Unef et le controversé CCIF font désormais front commun. L'organisation dirigée par Lila Charef a en effet dénoncé sur Twitter le lancement d'une «campagne de cyberharcèlement» contre la syndicaliste, source d'un «déferlement de haine raciste, sexiste et islamophobe».
Un changement de paradigme pour l'Unef donc, qui s'illustre par exemple par les alliances avec des associations étudiantes musulmanes désormais nouées par le syndicat dans les universités. «Bravo et merci à Unef Lyon le Syndicat Etudiant, majoritairement élue, avec qui on continue l'aventure», font par exemple savoir en mars dernier les Etudiants musulmans de France (EMF) de Lyon.
L'Unef, détrôné dans l'enseignement supérieur par la Fédération des associations générales étudiantes, présente régulièrement des listes communes avec l'EMF. Cette organisation est membre du mouvement Musulmans de France (ex-UOIF), accusé par ses détracteurs d'être proches de la confrérie islamiste des Frères musulmans.
«Qu'est-ce que l'Unef souhaite promouvoir comme valeurs ?», s'interroge Marlène Schiappa
Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes, s'est dite ce 16 mai «interpellée» du choix de l'Unef Sorbonne de désigner comme porte-parole «une personne qui de toute évidence a des signes manifestes de religion, d'islam politique en réalité».
«Qu'est-ce que l'Unef souhaite promouvoir comme valeurs, est-ce qu'il souhaite défendre la laïcité, est-ce qu'il souhaite défendre l'émancipation des femmes, est-ce qu'il souhaite défendre d'autres choses ?», s'est également interrogée la benjamine du gouvernement. D'anciens dirigeants historiques de l'organisation étudiante ont aussi fait état de leur trouble. «Qu'une adhérente du syndicat décide de porter le voile [...], je peux l'admettre, [...] mais qu'elle devienne porte-parole, cela n'est pas possible», a écrit sur Facebook l'ancien député socialiste Julien Dray, notant que le syndicat s'était battu pour l'interdiction des signes religieux.
«Il y a un signal envoyé, celui d'un regain de religiosité», s'est pour sa part étonné le député européen socialiste Emmanuel Maurel, qui était à l'Unef-Sorbonne dans les années 1990. Il y voit le signe d'une «perte de repères» dans une partie de la gauche et à l'Unef.