«Nous avons de la sympathie pour les cheminots grévistes. Ils défendent un de nos biens communs, une entreprise de service public que le gouvernement cherche à transformer en "société anonyme"» ont écrit 32 intellectuels sur le blog des invités de Médiapart le 23 mars en initiant une cagnotte visant à indemniser financièrement, via des dons sur internet, les cheminots qui font grève à compter du 3 avril. Ce pot commun solidaire lancé sur le site de cagnotte en ligne Leetchi avait déjà récolté plus de 115 000 euros le 3 avril au soir, et ne cesse d'augmenter.
Le texte accompagnant le lancement de la cagnotte rappelle que, durant les grèves de 1995 et 1968, «la solidarité entre voisins et collègues [avait mis] en échec le calcul gouvernemental de dresser les usagers contre la grève [des cheminots]». Mentionnant le sacrifice financier des grévistes, le texte insiste sur la nécessité que le mouvement des cheminots dure «pour le succès de leurs revendications».
En effet, la grève représente une coupe conséquente dans les salaires des personnes mobilisées. Dans un entretien accordé au Parisien le 2 avril, Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-cheminots, a expliqué que si les cheminots suivaient l’ensemble du mouvement, cela représenterait pour eux un tiers de salaire en moins.
Jours de repos décomptés
Pour tenter de contrer ce mouvement de grève dite «perlée» de deux jours sur cinq, qui devrait s'étendre jusqu'au 28 juin, la direction de la SNCF a recours à plusieurs tentatives : elle a d’abord annoncé qu'elle allait comptabiliser les jours de repos comme jours de grève. Cette mesure a été immédiatement dénoncée par les syndicats. L'Unsa, la CGT et la CFDT envisagent de saisir l'inspection du travail dans un premier temps avant un recours devant la justice si la SNCF s'obstinait à appliquer cette mesure. «Annoncer aux cheminots que les jours de repos ne seront pas payés, ça vise à les dissuader de faire grève, mais cette provocation va plutôt cristalliser le mécontentement dans le sens d'une plus grande mobilisation», a déclaré Roger Dillenseger, le responsable du syndicat Unsa férovière à l'Obs.
Une prime de 150 euros tombe à point nommé
D'autre part, la SNCF a annoncé qu'une prime de 150 euros par mois serait accordée aux cadres pour conduire occasionnellement des trains. Pour les syndicats, il s’agit de «casser le mouvement de grève» avec une «carotte» afin d’inciter les cadres intermédiaires à remplacer les cheminots grévistes.
La SNCF s'est justifiée en expliquant que cette prime répondait à une revendication de longue date des cadres concernés qui effectuaient des remplacements sans bonus. «La concordance des dates est proprement scandaleuse», a dénoncé Rémi Aufrère-Privel, secrétaire général adjoint de la CFDT-cheminots sur franceinfo. «Nous considérons que c’est un moyen de briser la grève», a-t-il ajouté.
Selon Laurent Brun, de la CGT-cheminots, la direction de la SNCF a également envisagé de faire venir d’autres cheminots du Royaume-Uni et «étudierait la possibilité d’effectuer des réquisitions de cheminots, par exemple sur la ligne D du RER, quitte à aller les chercher avec les gendarmes», a-t-il encore affirmé, ajoutant que tout cela avait pour but de «casser la grève et traduisait une perte totale de sang-froid de la part de la direction».
Du côté du gouvernement, les éléments de langage fleurissent depuis le début de la grève. Dénonçant une «culture de la grève» et une «grève incompréhensible», de nombreux élus de la République en marche critiquent vertement le mouvement des cheminots. La ministre des transports, Elisabeth Borne, invitée de Jean-Jacques Bourdin le 3 avril a déclaré être dans une posture de dialogue et ne pas comprendre «cette posture de blocage».
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