Invité le 5 mars au «Grand Rendez-Vous», diffusé sur Europe 1 et CNews, le député de La France insoumise (LFI) Alexis Corbière n'a pas caché son inquiétude sur l'avenir de la SNCF. Dossier brûlant de ce début d'année, le gouvernement a en effet décidé de légiférer par ordonnances pour transformer l'entreprise publique. Le 26 février lors d'une conférence de presse, Edouard Philippe avait assuré que cette réforme ne préparait pas la privatisation de la SNCF. Ainsi, l'entreprise publique serait simplement transformée en société nationale à capitaux publics, suivant les conseils du rapport Spinetta. Sceptique, Alexis Corbière ne veut pas être dupe de cette manœuvre : «La question c'est : que veut faire ce gouvernement ? Allons à l'essentiel, il veut mettre un premier pas vers quelque chose qui va vers la privatisation.»
Convaincu que la SNCF sera bel et bien privatisée progressivement par le gouvernement, Alexis Corbière estime qu'Edouard Philippe est d'une «hypocrisie totale», ne comprenant pas l'intérêt de sortir l'entreprise du statut d'Epic (Etablissement public à caractère industriel et commercial) pour créer une nouvelle organisation. «Cela permettra demain qu'il y ait une privatisation. On voit bien que c'est cela son objectif», a-t-il martelé.
De fait, Alexis Corbière craint que le transport ferroviaire soit prochainement calqué sur le modèle privatisé anglo-saxon. Pour lui, un modèle de ce type implique «des accidents à répétition, des prix du billets prohibitifs et scandaleux et des gens mis en précarité». «Edouard Philippe sait que, dans ce pays, on est quand même éclairé par cet exemple de Grande-Bretagne qui a mis à bas le système ferroviaire», a-t-il poursuivi. En ce sens, le député LFI juge le gouvernement «fourbe». Selon lui, si les ambitions étaient clairement affichées, les Français seraient contre la réforme, étant donné «la sensibilité bien française à défendre ce grand service public».
Interrogé sur le problème de la dette pesant sur la SNCF, Alexis Corbière a là aussi critiqué les choix faits par les différents gouvernements. «Pourquoi la SNCF est endettée ? Parce qu'il y a des erreurs qui ont été faites, il y a eu des mauvais choix, des partenariats publics/privés absolument absurdes, notamment avec Vinci, qui s'est goinfré avec la gestion des autoroutes et qui s'était engagé sur certaines lignes [ferroviaires] à faire des travaux qu'ils n'ont pas fait», a-t-il argumenté. En outre, Alexis Corbière considère que l'Etat devrait directement «prendre en charge» la dette de la SNCF afin d'éviter que les banques privées s'enrichissent sur les intérêts des emprunts.
Pour Alexis Corbière, Edouard Philippe cherche à «opposer les salariés entre eux»
Quant au statut du cheminot que le gouvernement souhaite voir disparaître, Alexis Corbière est là encore incisif : «En quoi le statut de cheminot serait responsable des dysfonctionnements de la SNCF ? En rien.» «Il faut réhabiliter le fait que les gens qui travaillent à la SNCF ont un salaire moyen sensiblement équivalent à l'ensemble des Français», a-t-il assuré.
Pour l'élu de Seine-Saint-Denis, Edouard Philippe cherche de la sorte à «opposer les salariés entre eux», avec la remise en cause du statut de cheminot. «Est-ce que les Français savent que les 100 contribuables les plus riches, chacun individuellement, a bénéficié de 1,5 million d'euros supplémentaires par la réforme du budget ? Et à l'inverse on s'en prend aux cheminots [...] qui ont un travail difficile», a-t-il assumé.
Enfin, l'Insoumis a reconnu au Premier ministre la qualité de «stratège». Le 26 février, ce dernier avait garanti que l'Etat ne supprimerait pas les petites lignes ferroviaires, ciblées dans le rapport Spinetta qui souhaitait la fermeture de 9 000 kilomètres de voies. Une nouvelle fois, Alexis Corbière a estimé que le Premier ministre n'avait pas été franc. En délaissant aux régions le soin de financer les lignes, ce qu'elles ne pourront certainement pas faire «faute de moyens» selon Alexis Corbière, cela permettra au Premier ministre de ne pas être directement responsable des suppressions de ligne.
Afin de contester une réforme qui «n'était pas dans le programme de monsieur Macron» lors de la campagne présidentielle de 2017, Alexis Corbière a appelé à une mobilisation générale pour le 22 mars.