Le rapport de Jean-Cyril Spinetta sur l'avenir du transport ferroviaire, remis le 16 février au gouvernement, a mis le feu au poudre chez les syndicats. Il préconise une transformation de la SNCF, la fin du statut de cheminot pour les nouvelles recrues, l'ouverture à la concurrence et des économies drastiques à tous les niveaux. De telles restructurations explosives signent «une volonté de casse du service public», selon Bruno Poncet, secrétaire fédéral du syndicat SUD Rail, qui s'est confié à RT France.
Selon les syndicats, le contenu du rapport de l'ancien patron d'Air France ne menacerait pas que les cheminots eux-mêmes, mais bien les usagers. «Les gens fantasment beaucoup sur le statut du cheminot, ils pensent qu'il garantit des choses extraordinaires», explique Bruno Poncet. «Mais il permet surtout aux postes de sécurité, les conducteurs, les aiguilleurs, de suivre des formations régulières pour acquérir de nouvelles compétences. Les boites privées qui seraient mises en concurrence avec la SNCF vont rogner sur la sécurité pour gagner en profit», estime-t-il.
Les gens fantasment beaucoup sur le statut du cheminot
«Quand on arc-boute sur notre statut, ce n’est pas sur les congés ou facilités de circulation, c'est pour maintenir un service de qualité et surtout de sécurité», poursuit Bruno Poncet, qui estime que le réseau français est certainement le plus sûr d'Europe.
Le statut de cheminot sur la sellette
Le statut, appelé RH0001, assure aux cheminots, qui sont un peu moins de 150 000 en France, la stabilité de leur emploi en quasiment n'importe quelle circonstance, hormis les fautes graves. Le rapport Spinetta, qui pointe du doigt un excès de personnel et des dépenses supplémentaires liées à ce statut, déplore «l'écart potentiel de compétitivité d'au moins 30 % par rapport aux règles du marché». Le temps de travail des cheminots est limité à 35 heures par semaine et les départs à la retraite ont lieu en moyenne à 57,5 ans en 2016.
Gratuité des billets, réduction pour la famille et régime spécial de santé complètent les avantages de ce statut. «Nous n'avons pas la même couverture sociale que ceux qui n'ont pas droit à notre statut, nous n'avons pas besoin d'avancer les frais pour nos consultations», explique Bruno Poncet. Pour lui, une fois encore, il ne s’agit pas d’avantager le cheminot mais de garantir la continuité du service public. «Cette prise en charge rapide permet un prompt retour au travail», informe-t-il.
L'autre face du rapport Spinetta : l'abandon du réseau ?
Pour le syndicaliste, la question du statut du cheminot ne doit pas escamoter d'autres points du rapport Spinetta. «C'est 9 000 km, soit un tiers des 30 000 km de réseau qui sera abandonné ou financé par les collectivités locales ou les usagers», assure-t-il. «C'est insupportable d'entendre ça, cela veut dire que les usagers n'auront plus le train hors des grandes villes, alors que le SNCF est conçue pour tous les Français. Tout pour les CSP+ urbains mais rien pour les autres, les gens des provinces. Le gouvernement est en déconnexion complète avec ce qui se passe en France», tonne-t-il.
Les syndicats ont cependant rappelé que les précédents rapports avaient tous été enterrés. «Mais nous sommes inquiets car ils allaient tous dans le même sens. De plus, le gouvernement va travailler sur une loi sur la mobilité à partir du mois d’avril et ils peuvent aller plus loin que le rapport Spinetta. Cette loi sera discutée certainement en urgence, avec des ordonnances pour qu'on ne puise pas contester», dénonce Bruno Poncet.
L’ouverture à la concurrence dans le transport de voyageurs est déjà prévue à partir de 2019 pour les TER et Intercités (qui sont subventionnés par l’Etat et les régions) et de 2020 pour les TGV (dépendant directement de la SNCF).
Les syndicats rencontreront la ministre des transports, Elisabeth Borne, le 19 février dans l'après-midi. Un appel à la grève a d'ores et déjà été lancé pour le 22 mars.
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