France

Révélations : les conseils de Damien Philippot à Marine Le Pen avant le débat d'entre-deux tours

Le journal en ligne Mediapart a divulgué le 14 janvier des courriels montrant les coulisses de la campagne présidentielle 2017 du FN. On y découvre les conseils du frère de Florian Philippot, Damien, à la candidate. En substance : fâcher Macron.

Mediapart révèle le 14 janvier un document écrit par Damien Philippot dans lequel cet ancien conseiller de Marine Le Pen et frère de Florian Philippot livrait ses recommandations avant le débat qui opposa la candidate à Emmanuel Macron entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2017. Damien Philippot, avait rejoint l'équipe de campagne de Marine Le Pen en tant que rédacteur de discours, alors que la course à la présidence était déjà lancée. S'il est aujourd'hui dans les rangs du parti de son frère, Les Patriotes, il restait à l'époque dans l'ombre, en tant qu'éminence grise du Front national (FN).

Selon les révélations de Mediapart, ce serait ses notes (parmi d'autres) qui auraient été utilisées pour préparer la candidate frontiste au débat d'entre-deux tours. Les courriels publiés par la rédaction de Mediapart montrent notamment la désorganisation du parti et les jeux de pouvoir en son sein. Mais ils révèlent surtout une stratégie pour le moins risquée à l'approche du débat de l'entre-deux-tours. Les écrits restent pour en juger : «L'objectif n'est pas de gagner en crédibilité. Nous n'arriverons pas à corriger, surtout face à lui qui maîtrise parfaitement tous les arguments du système», peut-on ainsi lire dans les documents publiés.

L'objectif assumé de Damien Philippot dans ces messages est de convaincre Marine Le Pen de saper l'image d'Emmanuel Macron coûte que coûte : «Dégrader l'image de Macron, quitte à perdre en crédibilité, pour pousser des gens dans l'abstention», conseille-t-il, allant jusqu'à préconiser de «rendre Macron le plus antipathique possible». Damien Philippot espère avant tout provoquer un coup de sang du futur président et l'amener «à s'énerver et à se montrer arrogant», prophétisant : «Si le débat est électrique, nous avons moins à perdre que lui, et donc nous gagnons des %.»

Nous avons moins à perdre que lui

A posteriori, nul doute que Marine Le Pen a suivi les conseils du frère de Florian Philippot. Le soir du débat, lorsque Marine Le Pen s'est montrée mordante, cherchant à pousser Emmanuel Macron à la faute, elle lui avait en effet lancé : «Je vois que vous essayez de faire l'élève avec le professeur. C'est pas vraiment mon truc ! Et je vais vous dire, vous n'êtes pas particulièrement mon truc !» Une allusion au couple d'Emmanuel Macron, dont l'épouse a été son professeur. Damien Philippot espèrait une «crise de nerfs» de l'actuel président. On connaît la suite : il ne l'obtiendra pas.

En bon sondeur de l'institut de sondage Ifop, son métier précédent, le rédacteur du FN sait que la méconnaissance du fond des dossiers est le point faible de sa candidate. Il lui conseille ainsi de ne «jamais s'avancer sur le terrain technique». Damien Philippot se montre même presque cynique vis-à-vis de sa candidate : «C'est son terrain. Son objectif est d'y retourner sans cesse. C'est un technocrate pur sucre, il sera toujours meilleur sur le plan technique.»

Il sera toujours meilleur sur le plan technique

Au contraire, le conseiller de l'ombre préconise d'amener la discussion sur le terrain du quotidien : «Montrer qu'on est concerné par les problèmes des gens, de manière très simple, presque démagogique (on s'en moque, ce qui compte, c'est de toucher) ; le gain est immédiat, il est encore plus élevé si cela pousse Macron à s'énerver.»

Pousser Marine Le Pen à faire de l'humour : le coup de grâce

Il s'attend aussi à des attaques sur les affaires du FN et anticipe : «[Ne] pas paraître déstabilisée», ne pas «jouer sur le côté "vos médias amis ont joué à ce petit jeu pendant toute la campagne de premier tour, voilà que vous usez des informations confidentielles que vous fournissent les services de l'Intérieur de monsieur Fekl [alors ministre de l'Intérieur] ou ceux de la Défense."»

Plus ravageur encore, le conseiller pousse Marine Le Pen à s'aventurer sur le terrain de «l'humour». Malheureusement, la seule saillie humoristique marquante de sa candidate n'aura pas l'effet escompté, suscitant plutôt les moqueries des réseaux sociaux. A grands renforts d'effets de comédie, elle avait évoqué ironiquement «les envahisseurs [...] qui sont là dans les campagnes, les villes, sur les réseaux sociaux», afin de caricaturer les craintes de son adversaire quant aux réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, Emmanuel Macron remportait l'élection avec plus de 66% des voix.

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