Le 28 novembre, afin de rompre la discrétion autour des préparatifs de la liste noire des paradis fiscaux qui sera publiée le 5 décembre 2017 par l'Union européenne (UE), l’ONG de lutte contre la pauvreté Oxfam a publié son propre recensement. Elle enjoint aux responsables européens de ne pas protéger les pays à la fiscalité trouble, ou légère. Quatre pays épinglés font partie de l’UE : l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas. L’ONG exhorte le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, à n'oublier personne.
Dans ce document, Oxfam prévient que «du fait de pressions politiques, plusieurs paradis fiscaux pourtant notoires pourraient ne pas figurer sur cette liste».
L’ONG critique le groupe de travail
Selon l'ONG, le groupe de travail s'attelant à la liste «se caractérise par son opacité et s'appuie sur des critères qui pourraient être considérablement renforcés». «Il lui reste de la marge pour cibler les paradis fiscaux qui appliquent des taux d'imposition sur les sociétés très faibles, voire nuls», estime l'ONG dans son communiqué.
L'UE a annoncé dès le départ que sa liste n'inclurait aucun de ses membres, soumis selon elle à des règles communautaires restrictives. Une approche qu'Oxfam dénonce : «Cette approche nuit considérablement à la crédibilité du processus, car plusieurs Etats membres comme l'Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas figurent parmi les paradis fiscaux les plus puissants au monde.» Ces pays ont montré qu’Apple, Amazon ou encore Starbucks pouvaient échapper à l’impôt. Ils étaient par ailleurs tous les trois cités dans le scandale des Paradise Papers. Autre pays membre de l'Union européenne, Malte, est aussi dans le viseur d’Oxfam.
Sans surprise, on retrouve des pays comme les Bahamas, les Bermudes, les îles Caiman, Taïwan, la Suisse, les Emirats arabes unis... dans la liste de l'ONG
Discussions et derniers petits arrangements avant la publication de la liste
Fin 2016, le groupe «code de conduite» (créé en 1998 par les ministres des Finances de l'UE) a accepté d’évaluer 92 juridictions suspectées d'avoir une fiscalité douteuse. Bruxelles a contacté fin octobre ces Etats pour exiger des promesses de transparence et d’échange d'informations fiscales avec l'UE. A défaut, ces juridictions seraient placées sur liste noire. 22 auraient donné des gages suffisants pour être retirées de la liste.
La dernière réunion du groupe s’est tenue le 22 novembre 2017. Sa liste, assortie de sanctions possibles, sera publiée par Bruxelles le 5 décembre, après un vote à l'unanimité des 28 ministres. Les quelques jours séparant cette ultime réunion de la publication finale pourraient donner lieu à de petits arrangements entre pays, un phénomène redouté par les ONG qui luttent contre l'évasion fiscale.
Dans cet intervalle, la députée LREM Bénédicte Peyrol a interpellé Bruno Le Maire lors des questions au gouvernement du 28 novembre 2017. Elle a évoqué la liste Oxfam, et martelé : «Nous ne pouvons que maintenir la pression pour que cette liste commune européenne soit ambitieuse, cohérente et contraignante.»
Bruno Le Maire lui a répondu qu'il était prêt à «durcir les sanctions». «Nous proposons qu'ils n'aient plus accès aux mécanismes de soutien européens, aux modalités de financement de la Banque mondiale ou du FMI», a-t-il ajouté au sujet des Etats inscrits sur la liste noire.
Mais rien n’indique que les sanctions seront effectives et dissuasives. Le Luxembourg, Malte et l’Irlande ont prévenu ces derniers jours qu'ils s’opposeraient à toute sanction.
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