L’encadrement des loyers, le dispositif phare de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite loi Alur, mise en place par l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot durant le quinquennat de François Hollande, vient de connaître un sérieux revers. Le tribunal administratif de Paris a annulé le 28 novembre les trois arrêtés qui le fixaient. Pourquoi a-t-il dû se prononcer ? Parce qu'il avait été saisi par l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI), une association qui regroupe 120 chambres syndicales et près de 250 000 adhérents, bailleurs, propriétaires... Pour David Rodriguez, responsable juridique à Consommation Logement Cadre de vie (CLCV), l'une des plus importantes associations françaises de consommateurs et d'usagers, cette annulation est scandaleuse. «Ce dispositif intéressant est annulé à cause de quelques petits bailleurs qui se sentent frustrés de ne pas pouvoir fixer les loyers comme ils le veulent... C'est délirant», a-t-il confié à RT France.
Suite au jugement du tribunal, Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoires, en charge du logement, a annoncé dans un communiqué qu’il allait faire appel de cette décision.
Un recours confirmé par Benjamin Griveaux au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC le 29 novembre, qui a toutefois noté une incohérence. Car le porte-parole du gouvernement s’est emmêlé lorsqu’il a fallu évoquer Lille, l’encadrement des loyers dans cette ville y ayant déjà été invalidé le 17 octobre 2017. Le gouvernement avait aussi annoncé faire appel. Benjamin Griveaux a répondu en bafouillant : «Je ne sais pas ce que nous déciderons à Lille mais en tout cas nous ferons appel à Paris.»
De son côté, la mairie de Paris a considéré que cette annulation était une «mauvaise décision». Ian Brossat, adjoint (PCF) au logement à la Ville, a affirmé que l’encadrement des loyers dans la capitale avait «permis de stabiliser les prix après des années de hausse exponentielle». «Si on a envie que les classes moyennes puissent continuer à vivre à à Paris, il faut modérer les loyers», a-t-il déclaré au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC
Cécile Duflot, l'artisane de cette loi, interrogée sur France Inter le 29 novembre, a expliqué au micro de Léa Salamé que «l’encadrement des loyers ça marche, ça a contenu les loyers, ça n’a provoqué aucune des catastrophes annoncées».
Danielle Simonnet, coordinatrice du Parti de Gauche a tweeté que le droit au logement devait «l’emporter sur le droit de spéculer sur le logement».
Une annulation de l'encadrement qui pourrait aboutir... à son extension
La raison invoquée par le tribunal est précisément celle qui pourrait se retourner contre l'UNPI, l'association de bailleurs et propriétaires qui a obtenu l'annulation de l'encadrement. Elle pourrait appuyer la mise en place de l'encadrement à grand échelle.
Car le tribunal l'a annulé non pas parce que la loi était contestée, mais parce qu'elle n'était pas suffisamment appliquée. Le jugement établit que toutes les 412 communes auraient dû le faire, pas uniquement la capitale, selon un principe du «tout ou rien».
David Rodriguez a expliqué à RT France pourquoi l'agglomération n'a pas mis en place cette loi : «Pour que l'encadrement puisse concerner une commune, il faut d'abord qu'elle obtienne un agrément d'un observatoire local.» Paris a le sien, l'Observatoire des loyers de Paris (Olap), mais dans les autres communes, l'agrément n'est pas disponible car les agences immobilières et autres syndicats rechignent à fournir les informations demandées.
Pour le juriste, cette victoire de l'UNPI pourrait n'être que temporaire. L'action de l'Olap pourrait donc se voir être étendue aux 412 communes. «Il suffit que les personnes qui travaillent à cette extension se dépêchent, et l'encadrement peut revenir très vite !», a expliqué David Rodriguez.
Les limitations à cette loi, enclenchées par l'ancien Premier ministre de François Hollande, Manuel Valls, ont porté un coup de plus à la mesure d'encadrement comme on le voit dans ce tweet posté en 2014.
Cécile Duflot l'a bien expliqué le 29 novembre : «La loi Alur a été sabotée par le Premier ministre d'alors en août 2014 qui a dit : "On va l'appliquer de manière expérimentale". Ce n'est pas ce que dit la loi.»
L'encadrement des loyers, mesure qui devait s’appliquer à la location immobilière en zone tendue, devait obliger les propriétaires à respecter un prix plafond de location. Ainsi, le loyer d’un logement ne pouvait-il dépasser de plus de 20 % un loyer de référence fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30 %. Après plus de 15 ans d'augmentation continue, le niveau des loyers demandés par les bailleurs aux locataires à Paris s'était stabilisé en 2016, selon la dernière enquête de l'Olap.
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