La réforme de l'impôt sur la fortune est tombée sur un os au Sénat. Les sénateurs ont en effet retoqué les dispositions du projet de la loi de finances pour 2018 relatives à la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF). Majoritairement à droite, la chambre haute du Parlement, qui a résisté à la vague de La République en marche contrairement à l'Assemblée nationale ne veut pas de la réforme de l'ISF souhaitée par Emmanuel Macron, non pas parce que ce serait un cadeau fait aux plus fortunés mais parce qu'elle n'irait selon eux pas assez loin.
L'amendement du rapporteur général des finances, Albéric de Montgolfier (Les Républicains), adopté par les sénateurs le 25 novembre 2017 demande ainsi de «supprimer intégralement l'ISF». «Vous aviez fait les trois quarts du chemin, nous allons vous aider à aller au bout de la route», a ironisé lors du vote le même Albéric de Montgolfier.
La majorité sénatoriale s'oppose par ailleurs à la proposition du gouvernement de remplacer l'ISF par un nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI), estimant qu'il découragerait les investissements dans l'immobilier. «Le seul message qui restera de la création de cet impôt, c'est : "n'investissez pas dans la pierre"», a martelé Jean-François Rapin, sénateur républicain du Pas-de-Calais.
Arbitrages budgétaires délicats
L'initiative du Sénat restera toutefois sans doute un baroud d'honneur, puisque le texte, dans le cadre de la navette parlementaire, reviendra devant l'Assemblée nationale en décembre 2017. Pour autant, le contre-temps vient compliquer encore un peu l'adoption de la loi de Finances pour 2018 et souligner sa fragilité. Outre la réforme de la taxe d'habitation, qui devrait priver les communes d'un peu plus de 9,5 milliards d'euros, celle de l'ISF représente pour le budget de l'Etat un manque à gagner de près de 3,2 milliards d'euros sur les 5 milliards que cet impôt a fait rentrer dans les caisses en 2016.
L'Union européenne – qui a un droit de regard sur le budget des Etats membres depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2013 du pacte budgétaire européen (TSCG) – a d'ailleurs fait part de ses inquiétudes le 22 novembre dernier. Paradoxalement, alors qu'Emmanuel Macron et son gouvernement s'efforcent de produire une loi de finances dont le but est de contenir le déficit budgétaire sous la «règle d'or» des 3% du produit intérieur brut (PIB) français (comme l'exige Bruxelles), la Commission européenne s'est alarmée d'un «écart important» entre le budget de la France pour 2018 et la «trajectoire d'ajustement requise».
Entre cadeaux fiscaux d'un côté, baisse des APL et hausse de la CSG de l'autre, le gouvernement d'Edouard Philippe suit une ligne de crête bien étroite.