Son livre, Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l'amour révolutionnaire (La Fabrique Editions), a fait scandale en 2016. Si elle se présente comme une militante antiraciste, Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République (PIR) se voit régulièrement accusée dans les médias d'être «racialiste» et de considérer l'appartenance ethnique comme la principale cause d'oppression.
Invitée à débattre lors d'un «séminaire d'études décoloniales» à l'université de Limoges ce 24 novembre, sa venue fait polémique. L'association de défense de la laïcité Printemps républicain a notamment dénoncé sur Twitter «un moyen de faire la promotion des thèses racialistes».
Fatiha Boudjahlat, cofondatrice d'une autre association de défense de la laïcité, Viv(r)e la République, déclare à RT France : «On ne crée pas du débat en invitant une militante [Houria Bouteldja] qui est indigéniste, islamiste, homophobe et antisémite, qui n'a personne pour lui donner la réplique, qui n'a personne pour contre-argumenter. L'université s'encanaille à rencontrer quelqu'un d'aussi sulfureux.»
L'université de Limoges, elle, tente de se justifier. «Comme toutes les universités, nous ne partageons pas les valeurs de l'intéressée [...] Mais, étant donné qu'Houria Bouteldja n'a jamais été condamnée, on se voyait mal la censurer. Il nous a semblé plus opportun d'ouvrir la parole plutôt que de la censurer», explique à RT France le cabinet du président de l'établissement.
Fatiha Boudjahlat réplique : «Quelle censure ? Ils sont dans le discours unique. C'est une tribune ouverte, ce n'est pas un débat. Houria Bouteldja est invitée en tant que personne experte, à quel titre ? Au nom de son bouquin qui est antisémite ? Hors de question que l'Etat finance ses ennemis de l'intérieur ; hors de question ! L'université c'est le débat mais lorsqu'on entend qu'un seul son de cloche, où est le débat ?»
Houria Bouteldja n'a jamais été condamnée, on se voyait mal de la censurer. Il nous a semblé plus opportun d'ouvrir la parole plutôt que de la censurer
Une discussion sur son livre avec des chercheurs de l'établissement doit pourtant avoir lieu après la prise de parole d'Houria Bouteldja. Ainsi, la faculté des lettres et des sciences humaines propose d'aborder les thématiques de «la race, le féminisme décolonial, le racisme d'Etat» ou encore «l'islamophobie». Sur ces sujets, l'écrivain a des positions bien tranchées, elle qui considère dans une tribune du 11 mars 2015, publiée sur le site des Indigènes de la République : «Il est important d’identifier le lieu de production du racisme : l’Etat-Nation impérialiste [...] On ne peut pas comprendre le racisme républicain, si pour la survie de l’Etat-Nation, on ne comprend pas la nécessité pour lui d’élire un corps de privilégiés, les Blancs, et de distribuer le pouvoir et la richesse en fonction notamment de critères raciaux. Autrement dit, il faut comprendre l’existence du "salaire de la blanchité".»
La direction de l'université, quant à elle, semble gênée par la polémique. Si la communication autour de ce colloque a dans un premier temps été publique, avec un affichage sur le site de la faculté, le cabinet de la direction avoue avoir été «pris de court».
Houria Bouteldja est invitée en tant que personne experte, à quel titre ? Au nom de son bouquin qui est antisémite ?
Toutefois, pour éviter un rétropédalage et assumant la présence d'Houria Bouteldja, l'institution a décidé de maintenir le «colloque privé», tout en supprimant sa publicité sur internet. Par cette démarche, Fatiha Boudjahlat estime pourtant que l'université enfreint volontairement le caractère scientifique qu'est supposé revêtir le colloque.
«Ces universitaires sont dans le mensonge. Houria Bouteldja est invitée en tant qu'experte mais elle n'est experte de rien alors que le colloque est censé être dans un cadre universitaire de recherche. Qu'ils invitent des militants laïcs !», déclare-t-elle.
Un entrisme de l'islamisme dans le milieu universitaire ?
Remontée, Fatiha Boudjhalat pointe le danger islamiste qui menacerait les milieux universitaires, notamment dans les sciences sociales.
«Il suffit de regarder comment Tariq Ramadan a obtenu sa thèse», lance-t-elle avant de s'en prendre aux «directeurs de thèse aussi impliqués, aussi militants que [Directeur de recherche à l'Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman] François Burgat qui soutiennent la thèse de Nabil Ennasri sur [le théologien proche des Frères musulmans Youssef] Al Qaradawi, interdit dans plusieurs pays pour ses appels à tuer les juifs, à tuer les apostats», ou encore à «des militants politiques qui se font passer pour des ONG et des experts». «Cet entrisme à l'université est terrible et c'est une réalité», conclut Fatiha Boudjhalat.
Le 3 octobre, l'université Lyon 2 a aussi été la cible de critiques pour avoir tenté l'organisation de conférences sur l'islamophobie avec une discussion sur «l'islamophobie d'Etat». Des association comme le Comité Laïcité République (CLR), le Printemps républicain ou la Licra étaient montés au créneau, dénonçant la présence de membres controversés appartenant au Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et à la Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI). Un «colloque laïcophobe» pour le CLR et la Licra, un «colloque plein d'intervenants islamistes sous couvert académique» selon le Printemps républicain. Face à la contestation, Lyon II avait alors annulé l'événement.
Sollicitée par RT France pour commenter la polémique, Houria Bouteldja n'était pas joignable dans l'immédiat.
Bastien Gouly
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