France

Une association appelle à rebaptiser en Simone Veil le pont parisien Alexandre III

Au cœur d'une vague de demandes de débaptisation de rues et de monuments aux Etats-Unis et en Europe, une association veut renommer le pont Alexandre III, tsar russe du XIXe siècle qu'elle estime sulfureux et contraire aux «valeurs» de la République.

En France, les demandes pour renommer un monument, une place ou une rue, sont fréquentes, et certaines requêtes finissent pas être acceptées par les municipalités. Le «collectif de rebaptisation du Pont Alexandre III» (CRPA), dirigé par Thierry Paul Valette, a adressé une lettre ouverte adressée au maire de la capitale, Anne Hidalgo. Sa missive reprend une pétition lancée par l'association Egalité nationale, dirigée elle aussi par Thierry Paul Valette, qui a récolté plus de 1 400 signatures et qui propose de débaptiser le pont parisien eu égard à «la terrible persécution des juifs par le tsar Alexandre III». 

«Le CRPA est un collectif dont l'objectif est la rebaptisation du pont Alexandre III. Alexandre III, père de Nicolas II, était un autocrate russe antisémite, ennemi de la démocratie, qui considérait les Français comme de la "vermine"», assure le collectif. On reproche au tsar, né en 1845, sa passivité devant les pogroms commis sous son règne, ainsi que l’adoption de lois anti-juives.

Les auteurs de la pétition demandent à ce que ce nom, qui ne correspond pas, selon eux, aux «valeurs» de la France, soit supprimé et suggèrent de nommer le pont en souvenir de la femme d'Etat française et figure du féminisme, Simone Veil.

Un prétexte pour critiquer la politique intérieure russe ?

Mais sur le blog dédié du collectif CRPA, Alexandre III semble moins une préoccupation que l'actuelle politique de la Russie, qui fait l'objet de plusieurs articles critiques au sujet du gouvernement russe.

Thierry Paul Valette est à la fois acteur, artiste et peintre, tout en étant engagé pour diverses causes. Il s'était fait connaître en lançant via l'association Egalité nationale une pétition contre la définition d'un statut de première dame, promis par Emmanuel Macron durant sa campagne.

J’ai proposé le nom de Simone Veil, mais cela peut être quelqu’un d’autre, pourquoi pas un Russe, mais qui inspire la paix, qui puisse renforcer l’amitié franco-russe

«Personnellement je n’ai rien contre la Russie et le peuple russe, je dénonce juste la politique du pouvoir en place», explique-t-il, contacté par RT France. «Avec ce pont entre la France et la Russie, je m'attaque à un symbole. Alexandre III était un anti-démocrate, il exerçait un pouvoir totalitaire. Selon moi, en 2017, le président Poutine s’inscrit dans les traces d’Alexandre III et mon mouvement compte le dénoncer : on doit se battre pour les droits de l’homme. J’ai proposé le nom de Simone Weil, mais cela peut être quelqu’un d’autre, pourquoi pas un Russe, mais qui inspire la paix, qui puisse renforcer l’amitié franco-russe.»

Vague de demandes de changement de nom

Il est à noter que les démarches pour initier des changements de noms ou le déboulonnage de statues fleurissent en France, dans la foulée d'un mouvement similaire apparu aux Etats-Unis.

Outre-Atlantique, plusieurs statues de soldats confédérés ont été déboulonnées l'été dernier à la suite des événements de Charlottesville. A la mi-août, un individu lié à l'extrême droite avait tué une personne en fonçant sur une foule de manifestants antifascistes avec sa voiture. Le maire de New-York a également fait retirer une plaque rendant hommage à l'héroïsme dont le Maréchal Pétain avait fait preuve durant la Grande Guerre.

En France, dans le cadre d'une campagne intitulée «Vos héros sont nos bourreaux», Louis-Georges Tin, président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN) ainsi que diverses personnalités, ont fait paraître une tribune de septembre dans le journal Le Monde. Ils avaient demandé que le nom de Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV ayant contribué à l'élaboration du Code noir, soit expressément retiré des lycées et collèges. 

Pendant ce temps, à Berlin, plusieurs rues seront rebaptisées prochainement du nom de femmes qui se sont battues en Afrique contre la colonisation et le racisme comme Miriam Makeba ou Wangari Maathai. Au Royaume-Uni, à Bristol, la salle de concert Colston, du nom d'un philanthrope qui s'était enrichi avec l'esclavage, changera bientôt de nom. 

Lire aussi : Abattre les statues, «décoloniser» les noms de rues ? La France et l’Europe suivront-elles les USA ?