France

Accord sur le travail détaché : LREM salue la «victoire de l'Europe», l'opposition reste sceptique

Les ministres du Travail de l'UE sont parvenus le soir du 24 octobre à un accord sur la réforme de la directive du travail détaché. «Une victoire pour l'Europe», selon l'Elysée, malgré le grand nombre de compromis faits par la France dans ce dossier.

A l'issue de négociations qui ont duré douze heures à Luxembourg, les ministres du Travail européens ont finalement réussi à s'accorder sur la durée du détachement, ce système qui permet à des Européens de travailler dans un pays étranger en cotisant dans leur pays d'origine. 

Cette durée a été fixée à 12 mois maximum, ce qu'avait réclamé la France, mais avec un bémol puisque elle peut être rallongée de six mois à la demande de l'entreprise et sur décision du pays d'accueil.

Pour La République en marche, le parti présidentiel, cet accord est véritablement une «victoire de l'Europe». «C'est une étape essentielle pour recréer la confiance européenne», s'est ainsi félicité l'Elysée après cet accord sur lequel s'était fortement engagé Emmanuel Macron et qui avait provoqué cet été de vives tensions avec certains pays de l'est, notamment la Pologne.

La ministre française du Travail, Muriel Pénicaud, a également fait part de sa satisfaction. Ainsi, elle a déclaré : «Le vote final n'est pas une fracture Est/Ouest. Il n'y a pas de gagnants ou de perdants aujourd'hui, c'est juste l'Europe qui gagne.»

Parmi les 28 pays de l'UE, seuls quatre pays se sont opposés à cet accord : la Pologne, la Hongrie, la Lettonie et la Lituanie. Une grande part des travailleurs détachés au sein de l'UE proviennent de ces Etats. Trois autres se sont abstenus : le Royaume-Uni, l'Irlande et la Croatie. Les autres pays se sont montrés favorables au texte.

Beaucoup de compromis de la part de la France

La France a dû lâcher du lest sur le secteur du transport routier, car les pays de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), mais aussi l'Espagne et le Portugal, s'inquiétaient des conséquences négatives de la réforme pour leurs chauffeurs.

Il est désormais prévu de continuer à appliquer aux chauffeurs routiers l'ancienne directive du travail détaché de 1996 (et non la nouvelle révisée), jusqu'à ce qu'entre en application une autre réforme d'une directive européenne consacrée au transport routier.

Aussi, certains dans l'opposition dénoncent un accord au rabais dans lequel la France a dû faire beaucoup de sacrifices pour «du symbole électoral». 

Le leader de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a notamment déclaré sur Twitter que, finalement, à part limiter dans le temps la période de détachement, la réforme n'avait rien changé.

Il préconise par ailleurs la suppression pure et simple de la directive concernant les travailleurs détachés en Union européenne. 

Le travail détaché avait été une thématique majeure de la campagne présidentielle française, opposant europhiles et eurosceptiques.

A peine élu, Emmanuel Macron avait réclamé un durcissement de la réforme du travail détaché, dont le plafonnement de la durée du détachement à 12 mois, persuadant l'Allemagne, les pays du Benelux et l'Autriche de le suivre.

«A travail égal...»

Dans sa proposition initiale de réforme, présentée en mars 2016, le texte proposait de limiter la durée du travail détaché à 24 mois. L'objectif majeur de la réforme de la directive était d'avoir un «salaire égal, à travail égal, sur un même lieu de travail».

En effet, dans la directive initiale, qui date de 1996, il est simplement spécifié que les travailleurs détachés doivent toucher le salaire minimum du pays d'accueil. Or l'élargissement de l'UE à l'est en 2004, avec l'arrivée de dix nouveaux pays, aux niveaux de vie et salaires plus bas, a bouleversé la donne, engendrant une concurrence déloyale entre entreprises et un regain de dumping social.

Avec la révision de la directive, toutes les règles valables pour les travailleurs locaux s'appliquent aux détachés. Ainsi, par exemple, si le pays d'accueil prévoit une prime de froid, de pénibilité, d'ancienneté, un treizième mois, ces bonus devront aussi leur être versés. Mais les charges payées par l'employeur restent fixées selon la loi du pays d'origine – bien souvent moindres dans l'est que dans l'ouest de l'Union européenne.

Désormais vont pouvoir commencer les négociations entre eurodéputés et ministres sur un texte définitif.

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