Le «Bus de la liberté d'expression», affrété par l'organisation chrétienne CitizenGo semble ne pas avoir que des adeptes. Destiné à lutter contre l'enseignement de la théorie du genre à l'école, le bus, entièrement couvert de slogans et de liens vers ses actions, sillonne l'Ile-de-France pour diffuser son message auprès de la population. Parti le 3 octobre de Paris, le bus se trouvait le lendemain dans plusieurs villes des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis. Il devrait continuer son itinéraire jusqu'au 9 octobre. Le compte Twitter de l'organisation informe régulièrement le public sur les étapes du bus comme ici, devant le siège de l'AFP à Paris.
Les promoteurs du projet installent ainsi des stands en plein air et distribuent aux passants des tracts dénonçant la théorie du genre.
L'organisation CitizenGo lancée en Espagne avant de s'exporter dans plusieurs pays d'Europe et aux Etats-Unis, a déjà mené des opérations similaires. En septembre, c'est en Italie qu'un bus de ce type avait fait son apparition.
Sur la déclinaison française du site de CitizenGO, un communiqué, présenté sous forme de pétition ayant recueilli plus de 6 000 signatures, nous en dit plus sur le type de message porté par les militants présents à bord du bus.
«On ne devient pas femme : on naît femme. On ne devient pas homme : on naît homme», peut-on lire dans le texte accompagnant la pétition.
L'organisation qualifie par ailleurs le nouveau ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, d'«homme de bonne volonté», qui souhaiterait «lui aussi, débarrasser son ministère des dangereux idéologues qui s’y sont infiltrés ces dix dernières années».
Ce dernier avait été accusé par l'ex-responsable des programmes du ministère, Michel Lussault, «de se présenter comme l’anti-Najat Vallaud-Belkacem», à l'occasion d'un entretien avec le journal Le Monde. Michel Lussault avait démissionné avec fracas en septembre.
Jean-Michel Blanquer avait notamment fait parler de lui en accordant une «interview exclusive» à l'association SOS Education, définie par ses adversaires comme proche de l'organisation Sens commun (émanation de La manif pour tous au sein du parti Les Républicains) qui promeut une vision conservatrice de l'éducation. Cet entretien avait été publié par l'association le jour de la nomination de Jean-Michel Blanquer, avant d'être retiré.
Najat Vallaud-Belkacem, lorsqu'elle était ministre, a pour sa part toujours nié avoir promu la théorie du genre, s’indignant notamment en octobre 2016 des propos du pape qui avait évoqué ce sujet et accusé la France de l'enseigner à l'école. La ministre avait mis au défi le pape de venir en France visiter des écoles publiques, de consulter les manuels scolaires et de lui expliquer «en quoi il y aurait une théorie du genre qui n’existe pas par ailleurs, dans ces livres».
Le milieu LGBT dénonce une «nouvelle attaque réactionnaire»
Dans une tribune publiée dans le journal Libération, plusieurs association de défense des homosexuelles ou LGBT, dont Act Up ou AIDES, se sont indignées de l'arrivée en France de ce Bus bariolé, portant la vision chrétienne de la société. Dénonçant «l’influence des réactionnaires» dans le débat public, les militants s'indignent du fait que CitizenGo se «permette toutes les outrances verbales» et les «affirmations infondées», à l'encontre des LGBT.
«Face à la haine au visage tranquille, l’urgence est donc double : il faut défendre un projet de société égalitaire, ouverte, émancipatrice, dans lequel l’école, parce qu’elle est un lieu de socialisation autant que d’apprentissage, doit contribuer à lutter contre les rapports de domination sexistes, LGBTphobes, racistes qui oppriment et aliènent», peut on ainsi lire dans cette tribune cosignée par des dizaines d'associations et organisations.
De nombreuses personnes ont par ailleurs moqué l'initiative sur les réseaux sociaux, notamment en opposant notamment ce «Bus de la liberté d'expression» avec les chars visibles à la «Marche des fiertés».
De façon plus préoccupante, CitizenGo a dénoncé des menaces à son encontre. L'organisation a notamment interpellé publiquement le réseau social Twitter pour qu'il fasse disparaître des messages dans lequel des internautes proposent, entre autres, d'incendier le bus.