France

Loi antiterroriste : le dernier baroud d'honneur de l'opposition

Ce 3 octobre, l'Assemblée nationale a adopté la loi antiterroriste, une formalité si on considère la majorité dont dispose le gouvernement dans l'hémicycle. Pourtant, l'opposition, dont le Front national et La France insoumise, ne désarment pas.

Comment mettre fin à l'état d'urgence, en place depuis novembre 2015 et le plus long depuis la guerre d'Algérie, et protéger les Français du terrorisme, tout en préservant l'Etat de droit ? C'est l'équation difficile que doit résoudre Emmanuel Macron, le Premier ministre Edouard Philippe et son gouvernement. Or le risque persiste, alors que les attentats (dont le dernier en date, l'attaque au couteau dans la gare de Marseille le 1er octobre 2017) ou les tentatives d'attentats se poursuivent. Dans le XVIe arrondissement de Paris, des bonbonnes de gaz ont ainsi été découvertes au pied d'un immeuble le 2 octobre dernier.

C'est dans ce contexte, à la fois de banalisation des attentats, du fait de leur fréquence, mais aussi d'inquiétude des Français, que le gouvernement d'Edouard Philippe souhaite sortir de l'état d'urgence tout en intégrant certaines de ses mesures à l'Etat de droit avec la loi antiterroriste qui est encore une fois soumise à l'examen de l'Assemblée nationale et adoptée ce 3 octobre.

Opposition pour la forme dans une Assemblée dominée par LREM

Fort de sa majorité à l'Assemblée nationale, composée de députés de La République en marche (LREM), le gouvernement a fait voter la loi «renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme» confortablement, par 415 voix contre 127. Insoumis et communistes ont voté contre, comme la grande majorité des LR (84 sur 100), et le FN. La majorité, les «Constructifs» républicains, l'UDI et la Nouvelle gauche (groupe parlementaire du Parti socialiste) ont voté pour, hormis quelques abstentionnistes. Mais la loi antiterroriste, en dehors de ce socle, se trouve toujours prise dans le feu des critiques, souvent pour des raisons diamétralement opposées.

Ne pas «s'habituer au terrorisme»

La droite de l'échiquier politique reproche ainsi à la loi de ne pas aller assez loin, et surtout de ne pas être appliquée. La gauche, pour sa part, emmenée par La France insoumise (LFI) s'inquiète au contraire d'une atteinte aux libertés fondamentales, dénonçant une banalisation de l'état d'urgence et dont plusieurs dispositions, jugées liberticides, seront intégrées dans le droit commun. En somme un état d'urgence banalisé, qui ne dirait pas son nom.

Pour Marine Le Pen, la loi antiterroriste ne va pas assez loin et ne s'attaquerait pas au fond du problème, le terrorisme islamiste, mais seulement à ses manifestations, via la surveillance généralisée de la population. «Le terrorisme tire parti de l'immigration : il faut un moratoire sur l'immigration et notamment sur la folle politique des migrants», a ainsi exhorté Marine Le Pen lors d'une conférence de presse ce 3 octobre, en amont du vote par l'Assemblée.

«Nous n'avons pas à nous "habituer au terrorisme", mot d’ordre de gouvernants résignés, indignes de prétendre conduire l’Etat», a encore jugé la présidente du Front national, faisant notamment allusion à une déclaration de Manuel Valls remontant à février 2015, à la suite de l'attaque de Charlie Hebdo et huit mois avant les attentats meurtriers de Paris et du Bataclan. «Il faut dire la vérité aux Français [...] Il faut s'habituer à vivre avec cette menace terroriste», expliquait alors au micro de RTL, le Premier ministre de François Hollande, pointant du doigt l'«islamo-fascisme».

Du côté des Républicains, seule la ligne dure, clairement opposée à une loi jugée insuffisante et portée par Guillaume Larrivé et Eric Ciotti, deux soutiens de Laurent Wauquiez pour la présidence du parti, s'est exprimée. Opposés à la suppression de l'état d'urgence, ils ont tenté de le durcir, avec des mesures telles que l'internement préventif des fichés S les plus radicalisés, mesure dont le gouvernement a souligné l'inconstitutionnalité.

Pas de lien entre islam et terrorisme pour La France insoumise

Du côté du parti de Jean-Luc Mélenchon, en revanche, c'est l'atteinte aux libertés individuelles qui inquiète. Danièle Obono, députée LFI, s'est attachée le 27 septembre dernier à remettre en cause le lien entre islam et menace terroriste, dénonçant la mesure de fermeture administrative des lieux de cultes prévue par la loi antiterroriste. Ce 3 octobre 2017, Manuel Valls, député ex-PS et soutien de LREM, reprochait à sa consœur LFI son «islamo-gauchisme».

Mais la pertinence d'un lien entre islamisme et sécurité nationale, qui divise la gauche, n'est pas la seule disposition qui fait l'objet de vives critiques. La loi antiterroriste prévoit notamment de faire passer du régime d'état d'urgence au droit commun les mesures d'assignation à résidence, rebaptisées dans le projet de loi «mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance». Les autorités pourront ainsi cibler les personnes jugées dangereuses, et ce en dehors de toute procédure judiciaire.

Les perquisitions administratives, écartées du contrôle d'un juge, et intégrées à l'«état de droit» par la loi antiterroriste seront, elles, rebaptisées du nom de «visites et saisies». Sur certains points, la loi antiterroriste va même parfois plus loin que le régime de l'état d'urgence. Les communications hertziennes pourront faire l'objet d'une écoute et les contrôles d'identité administratifs seront élargis à une zone de 20 kilomètres autour des aéroports. En pratique, les grandes métropoles françaises seront donc concernées. 

Alexandre Keller

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