«L’idée est de créer en Libye des hotspots afin d’éviter aux gens de prendre des risques fous, alors qu’ils ne sont pas tous éligibles à l’asile : mes gens, on va aller les chercher». Reprise par l'ensemble des médias français et de nombreux médias européens, cette phrase prononcée par Emmanuel Macron le 27 juillet dernier annonçait un nouveau cap dans la politique migratoire française. Mais le président a opéré un revirement, certes discret, mais non moins total.
C'est en marge d’une visite à des réfugiés à la mairie d’Orléans (Loiret) que le président de la République avait fait une annonce pour le moins inattendue en annonçant sa volonté de créer ces hotspots en Libye. Le modèle des hotspots existe depuis 2015 et permet à l'Union européenne, de manière plus ou moins efficace, de distinguer les réfugiés susceptibles de demander l'asile des immigrants, notamment motivés par des raisons économiques, tout en garantissant leur sécurité. La particularité de l'annonce d'Emmanuel Macron résidait dans l'ambition affichée de les mettre en place «dès cet été», et surtout en Libye. Face au caractère étonnant de cette déclaration, l'AFP avait même lancé une alerte.
En effet, l'annonce de la mise en place de ces hotspots avait tout pour surprendre. Tout d'abord parce que le principe même de ce genre de dispositif fait l'objet d'une controverse dans laquelle le chef de l'Etat n'a jamais officiellement pris parti. Il permet en effet de trier les migrants selon leurs motivations et implique d'en refouler un certain nombre sur place. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) de l'ONU les qualifie d'ailleurs de «centres de détention».
C'est ensuite la mention du lieu de mise en place de ces hotspots qui a surpris. En effet, la situation de la Libye est loin d'être stabilisé : les combats y font rage, l'autorité est disputée par deux instances rivales et le pays ne fait vraiment pas figure de lieu sûr pour les potentiels réfugiés. Après une visite surprise des lieux en avril dernier, Filippo Grandi, Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, avait même qualifié d'«épouvantables» les conditions d'hébergement des réfugiés dans le pays.
Au lieu des hotspots en Libye, des missions de l'OFPRA en Italie et en Afrique
Rapidement, l'Elysée a tenu à tempérer la déclaration fracassantes d'Emmanuel Macron. «L'important est d'assurer la sécurité des gens qui y travailleront et des migrants», nuançait la présidence dans un communiqué paru le même jour. Tout en prenant soin de ne pas démentir frontalement l'affirmation du chef de l'Etat, le texte évoquait plutôt «une mission de l'OFPRA [Office français de protection des réfugiés et apatrides] pour voir comment il est possible de mettre ça en place». Derrière les précautions se dissimulait pourtant déjà une rectification de taille : la zone évoquée n'était plus la Libye mais un territoire à cheval entre le sud libyen (désertique), le nord-est du Niger et le nord du Tchad.
Encore un peu plus tard le même jour, dans un discours tenu à la préfecture du Loiret, Emmanuel Macron apportait à son tour une importante correction aux propos qu'il venait de tenir quelques heures plus tôt. «Je souhaite que l'Union européenne, et à tout le moins, la France le fera-t-elle, puisse aller traiter les demandeurs d'asile au plus près du terrain, dans l'Etat tiers le plus sûr, proche justement des Etats d'origine», avait-il alors déclaré. Plus question de Libye ni de hotspots.
Le 6 août, c'était au tour du ministre de l'Intérieur d'apporter une nouvelle nuance qui, ajoutée aux celles qui avait précédé, ressemble davantage à un radical changement de ton. Dans un entretien accordé au Journal du dimanche (JDD), Gérard Collomb, interrogé au sujet de ces hotspots en Libye, répondait : «Ce type d'initiatives ne peut pas actuellement être envisagé en Libye, compte tenu de la situation du pays».
Il n'y aura donc pas de création de hotspots en Libye, contrairement à ce qu'avait annoncé un peu trop hâtivement Emmanuel Macron. A la place, la France développera des missions de l'OFPRA similaires à celles qui sont déjà existantes. Les unes officieront sur les hotspots en Italie, notamment dans le but d'apaiser les tensions franco-italiennes de ces dernières semaines, les autres seront envoyées «sur le sol africain, dans les pays sûrs, où elles traiteront les demandeurs d'asile pour leur éviter de prendre des risques inconsidérés», comme l'évoquait Emmanuel Macron lors de son second discours du 27 juillet.
Lire aussi : Le ministre de l'Intérieur veut distinguer les réfugiés des migrants économiques