Le 28 juin dernier, un jeune homme de 23 ans a été interpellé alors qu'ils projetait d'assassiner le président de la République Emmanuel Macron. Décrit comme un «nationaliste», il aurait tenté d'acquérir une kalachnikov sur internet pour accomplir son acte. Il est désormais accusé d'«entreprise individuelle terroriste». Si on ignore encore les motivations précises de son geste, la cible hautement symbolique qu'il avait choisie ne doit sans doute rien au hasard.
Avec les meurtres de Sadi Carnot en 1894 et de Paul Doumer en 1932, la France est loin du record des Etats-Unis, où près d'un président sur dix est mort assassiné en cours de mandat. Néanmoins, deux présidents de la République avaient déjà fait l'objet de tentative d'assassinats sous la Cinquième république.
Maxime Brunerie, auteur de l'attentat contre Jacques Chirac
Le 14 juillet 2002, alors que le président Jacques Chirac participe au premier défilé de son second mandat, Maxime Brunerie, un jeune étudiant et militant d'extrême-droite proche des hooligans de la tribune Boulogne du Parc des princes, tente de l'abattre. Visant le chef de l'Etat à l'aide d'une carabine 22 Long Rifle qu'il avait dissimulée dans un étui à guitare, le jeune homme rate sa cible avant d'être maîtrisé par des spectateurs et appréhendé par la police.
L'enquête permettra d'établir l'existence de liens étroit entre Maxime Brunerie et le groupuscule ultranationaliste Unité radicale, qui sera dissous à cette occasion. Connu dans le milieu du rock identitaire, le jeune homme est décrit comme profondément isolé, victime d'un mal-être qui l'aurait motivé à passer à l'acte. Déçu par ses expériences militantes à l'extrême-droite, ses intentions, selon les juges, étaient connues de lui seul — il avait en outre prévu de mettre fin à ses jours après l'assassinat de Jacques Chirac.
Maxime Brunerie sera reconnu responsable pénalement après une série d'examens psychiques, et sera condamné à dix ans de prison. Au cours de son procès, il affirme que «Jean-Marie Le Pen aurait été une meilleure cible». Libéré en 2009, il tente d'adhérer au MoDem, qui le refuse, avant d'appeler à voter pour Ségolène Royal lors de la primaire organisée par le Parti socialiste en 2011.
De Gaulle, le survivant
Le général de Gaulle détient sans doute le record du nombre de tentatives d'assassinat sous la Cinquième république. Sa qualité de militaire autant que le contexte tendu de la guerre d'Algérie l'exposaient tout particulièrement aux attentats — auxquels il a toujours survécu. En septembre 1961, au passage de la voiture présidentielle à Pont-sur-Seine, dans l'Aube, une violente explosion se fait entendre. L'enquête montrera que l'engin, rempli de 40 kilogrammes de plastic et d'un bidon de 20 litres d'huile et d'essence, avait été partiellement désamorcé par l'humidité : aucun blessé n'est à déplorer. Un groupuscule proche de l'Organisation armée secrète (OAS) revendique l'attentat, avant que les six responsables de la tentative d'attentat ne soient arrêtés et condamnés par la justice à des peines allant de dix ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité.
La tentative d'assassinat la plus célèbre à laquelle Charles de Gaulle aura échappé est sans doute celle du Petit-Clamart, le 22 août 1962. Alors que leur chauffeur les conduit à la base aérienne de Villacoublay, le président, son épouse Yvonne et leur gendre Alain de Boissieu sont pris pour cible par un commando de douze hommes embusqués. Pas moins de 187 balles sont tirées, dont 14 atteignent le véhicule, provoquant l'explosion des pneus et de la vitre passager située près du général. Ordonnant à ses beaux-parents de se baisser, Boissieu évite à ceux-ci d'être touchés. Parvenu à la base de Villacoublay sain et sauf, le couple présidentiel affiche le plus grand calme. Provoquant la surprise des gendarmes présents pour les accueillir, Yvonne de Gaulle, à sa descente de la DS criblée de balles, s'écrie : «J'espère que les poulets n'ont rien eu !» L'épouse du président s'inquiétait en fait de l'état des volailles en gelée qu'elle transportait dans son coffre.
Plusieurs autres attentats visant le général de Gaulle ont été déjoués au début des années 60. Ainsi, le 23 mai 1962, un tireur devait abattre le chef de l'Etat sur le perron de l'Elysée. Baptisée «opération chamois», cette tentative sera finalement avortée par ses commanditaires, que plusieurs historiens estiment être des proches de l'OAS. Le 14 février 1963, ce sont plusieurs officiers qui sont arrêtés. Ils sont suspectés d'être responsables d'un complot pour assassiner le général de Gaulle. Le chef de l'Etat devait être tué par balle le lendemain, lors de sa visite à l'Ecole militaire. Enfin, le 14 août 1964, alors que le général de Gaulle visite le mémorial du débarquement au Mont-Faron, près de Toulon, une jarre ornementale explose. Là encore, l'humidité aura sauvé la vie du président : l'enquête conclut que l'arrosage automatique avait détrempé le dispositif, qui n'avait donc que partiellement explosé. Face à la multiplication des attentats à son encontre, de Gaulle se voit alors conseiller la création d'un poste de vice-président, qu'il décline par ces mots : «Un vice-président ? Qu’aurait-il à faire ? Attendre ma mort ?»