Après avoir soutenu massivement la candidature d'Emmanuel Macron, la presse est-elle en train d'entrer en résistance contre le gouvernement ? Libération publie ce 13 juin une tribune titrée «Le nouvel exécutif a-t-il un problème avec la presse ?». «Face à la liberté d’informer, le nouvel exécutif fait le choix de la tentative de pression, de la répression judiciaire et du procès d’intention», écrivent les journalistes. Parmi les premiers signataires figurent entre autres, la société des journalistes de l'AFP, mais aussi BFMTV, RMC et L'Express.
Xénia Fédorova, présidente de RT France, a salué la démarche. «Nous observons avec intérêt ce revirement à 180 degrés dans la presse grand public, dont une partie avait ouvertement appelé à glisser un bulletin Emmanuel Macron dans l'urne au matin du 7 mai 2017», a-t-elle déclaré. «Enfin, nos confrères expriment à leur tour leur inquiétude au sujet de l'attitude du président vis-à-vis de la presse. Cette dérive, nous la dénoncions depuis mars 2017 dans un silence assourdissant», a-t-elle ajouté.
RT France bien seul jusque-là
Les questions du droit d'informer ainsi que de l'attitude de l'exécutif et de La République en marche à l'égard des médias touchent également les journalistes de RT France. Après s'être vu refuser l'accréditation lors de la campagne présidentielle, RT a été qualifié d'«organe de propagande» par Emmanuel Macron lors de la visite à Versailles de Vladimir Poutine le 29 mai. La querelle prend son origine en mars, en plein passage à vide de la campagne d'Emmanuel Macron. L'actuel ministre de la Cohésion des territoires Richard Ferrand, alors secrétaire général d'En Marche!, s'alarmait alors d'une ingérence étrangère supposée dans le processus démocratique français.
Ce fidèle de la première heure d'Emmanuel Macron accusait indirectement la Russie tout à la fois de propager des «fake news» et de tenter de pirater informatiquement l'équipe de campagne d'En Marche!. A l'heure actuelle, toujours aucune preuve n'a été apportée à l'appui de cette thèse.
La fin des illusions ?
Mais, depuis l'élection d'Emmanuel Macron, les médias «mainstream» se sentent aussi concernés, alors que les «signaux extrêmement préoccupants» se multiplient, selon les termes choisis par la rédaction de Libération dans sa tribune.
Ainsi de François Bayrou. Celui-ci estime ne pas avoir à rendre de comptes aux journalistes pour un coup de téléphone donné à Radio France le 7 juin, afin de faire pression sur des journalistes. «Quand il y aura quelque chose à dire, je le dirai», a-t-il lancé en réponse à un recadrage du Premier ministre Edouard Philippe, ce 13 juin. Le 9 juin dernier, après la publication par Libération de documents présentés comme des pistes concernant la future réforme du code du travail, Muriel Pénicaud, ministre du Travail avait annoncé avoir porté plainte contre X pour «vol, violation du secret professionnel et recel».
Mais les relations entre la presse et le sommet de l'Etat avaient commencé à tourner au vinaigre lors du voyage au Mali d'Emmanuel Macron, le 18 mai dernier. Plusieurs médias, dont BFMTV, Le Figaro et Libération avaient dénoncé dans une lettre ouverte le tri opéré parmi les journalistes autorisés à couvrir sur le terrain le premier déplacement du nouveau président à l'étranger.
RT France a contacté la rédaction de Libération pour connaître les conditions dans lesquelles il était possible de signer l'appel. Selon une journaliste jointe au téléphone, la signature de la tribune n'est ouverte qu'«aux médias français». Pourtant, RT France est une entreprise de presse de droit français, localisée en France et employant des journalistes tout aussi français. Mais manifestement, cela ne suffit pas davantage que d'avoir, les premiers, dénoncé les atteintes à la liberté de la presse commises par l'équipe du président...
Alexandre Keller