France

Des dizaines de milliers d'électeurs radiés des listes : frustration, colère et recours en justice

Le 23 avril, de nombreux électeurs ont découvert qu'ils ne figuraient plus sur les listes électorales après un changement d'adresse non signalé. Frustrés, parfois en colère, certains comptent même déposer un recours pour faire annuler le scrutin.

Depuis le 23 avril, les plaintes d'électeurs radiés des listes électorales et n'ayant pas pu voter au premier tour de la présidentielle se multiplient. Plusieurs témoignages font état d'une frustration d'autant plus grande que, pour la plupart de ces citoyens privés de vote, il ne sera pas non plus possible de voter au second tour le 7 mai prochain, ni aux législatives du mois de juin.

Dans certaines villes, comme Strasbourg (Bas-Rhin), il semble s'agir d'un phénomène d'ampleur. Dès le 23 avril au soir, comme le rapporte La Dépêche, la mairie a confirmé que pas moins de 16 000 personnes avaient été radiées des listes électorales, sur les quelque 270 000 habitants que compte la ville. A Asnières (Hauts-de-Seine), ce sont des centaines d'électeurs qui ont appris le jour même du vote qu'ils n'étaient plus inscrits, selon Le Parisien. Des cas identiques ont également été rapportés à Ris-Orangis (Essonne), à Nice (Alpes-Maritime), à Nancy (Meurthe-et-Moselle), à Clichy (Hauts-de-Seine) ou encore dans de plus petites villes, comme Saint-Germain-Laprade (Loire) ou La Queue-en-Brie (Val-de-Marne). Dans ce dernier département, 81 300 personnes ont été radiées, annonce la préfecture. Au Mans (Sarthe), 4 000 électeurs ont été radiés.

Ces radiations sur l'ensemble du territoire s'expliqueraient principalement par des changements d'adresse non signalés des électeurs et relèveraient donc d'une procédure administrative tout à fait normale. Selon France Bleu Alsace, d'autres cas pourraient être liés à des changements d'état civil, notamment ceux de jeunes filles ayant changé de nom après s'être mariées. Des internautes ont mis en ligne une carte collaborative permettant à chaque électeur ayant été privé du droit de voter de se signaler : outre les radiations des listes électorales, un certain nombre de cas semblent concerner des procurations non reçues.

Des électeurs radiés en colère entament des démarches au tribunal

Un certain nombre d'électeurs radiés des listes électorales ont manifesté – avec plus ou moins de finesse – leur colère de n'avoir pas pu voter. A Ris-Orangis, un homme a brisé deux vitres de son bureau de vote alors que les assesseurs lui refusaient le droit de glisser son bulletin dans l'urne, rapporte Le Parisien. D'autres ont rapidement exprimé leur frustration sur les réseaux sociaux.

Certains électeurs sont parvenus à effectuer les démarches de contestation à temps pour pouvoir voter, mais il fallait pour cela se procurer le courrier recommandé expliquant la radiation à la Mairie, avant de rédiger une lettre de contestation manuscrite assortie du nouveau justificatif de domicile. Le tout devait être porté au Tribunal de grande instance (TGI) pour être examiné par un juge. 

Les militants de La France insoumise lancent un appel à témoignage

Dès le 23 avril dans la journée, plusieurs soutiens de Jean-Luc Mélenchon, candidat de La France insoumise, ont relayé différents témoignages d'électeurs n'ayant pas pu voter. Considérant qu'il fallait voir dans ces radiations davantage qu'un simple couac administratif, certains d'entre eux ont appelé sur Twitter les personnes ayant été privées du droit de vote à se signaler auprès du mouvement afin de faire «invalider le vote». 

Plusieurs militants ont même laissé entendre que ces radiations avaient pénalisé Jean-Luc Mélenchon.

Selon un décret du 8 mars 2001, les candidats disposent de 48 heures après la fin du scrutin pour «déférer directement au Conseil constitutionnel l’ensemble des opérations électorales» indiquant de possibles fraudes. Pour autant, cette démarche visant à préparer un recours en annulation semble émaner d'initiatives spontanées de simples militants et non des instances dirigeantes de La France insoumise.

Pour aboutir, le recours doit parvenir à établir l'existence d'une fraude «massive». Or, les radiations, certes nombreuses, ne peuvent pas a priori être assimilées à des actes frauduleux. Même si tel était le cas, il faudrait encore que l'écart de voix soit suffisamment faible pour que la fraude ait pu influencer le résultat de l'élection. Or, l'écart entre Jean-Luc Mélenchon et François Fillon est d'environ 200 000 voix, et plus de 600 000 voix séparent le candidat de la France insoumise d'une éventuelle accession au second tour.

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