«On comprend vos revendications. Mais ce soir, ça part en live. Le commissaire est sérieusement blessé», a déclaré un policier au mégaphone depuis la porte d'entrée de la préfecture de Guyane, barricadée.
«Blessé lourdement à la clavicule», cet homme est resté «inconscient au sol pendant une dizaine de minutes» et «on a été obligé d'utiliser du gaz lacrymogène pour l'extraire», avant qu'il ne soit évacué par les secours, a déclaré Laurent Lenoble, directeur de cabinet du préfet de Guyane, à l'AFP.
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Une camionnette des pompiers et une ambulance ont quitté les lieux, toutes sirènes hurlantes, a constaté l'AFP.
Plusieurs autres policiers, ainsi qu'un autre commissaire, sont «légèrement blessés» après avoir été frappés, eux aussi, selon Laurent Lenoble, qui a qualifié ces violences d'«inacceptables». Le collectif a «pris un tournant» qui est «loin de respecter les valeurs républicaines» et il s'est «discrédité», a-t-il regretté.
D'après un membre du collectif «Pou La Gwiyann dékolé» (Pour que la Guyane décolle), qui organisait le 7 avril un rassemblement devant la préfecture, pour exiger la prise en compte de ses revendications, les «500 frères contre la délinquance», un groupe dont les membres encagoulés encadrent les manifestations, «avaient fait un cordon devant les policiers». «Mais la foule a réussi à porter des coups», a-t-il regretté. L'ambiance était devenue électrique et une délégation, qui avait longuement patienté pour rencontrer le préfet, a été éconduite.
«C'est du foutage de gueule. Il ne faudra pas pleurer après cela. C'est de la faute de la France», avait déclaré peu avant les incidents Mikaël Mancée, un porte-parole des «500 frères», tandis que les esprits s'échauffaient.
«On a compris qu'ils avaient l'intention d'investir la préfecture», de la même façon que le collectif a occupé dans la nuit du 5 au 6 avril le centre spatial, à Kourou, a justifié Laurent Lenoble, pour qui les policiers ne sont coupables d'«aucune provocation».
«Pic-nic citoyen»
«Nous venons chercher la discussion et on nous amène les lacrymos», a de son côté vitupéré Dimitri Guard. Et ce cadre du collectif de s'interroger : «Devant la préfecture, il y a beaucoup d'enfants. On ne peut déjà pas leur proposer d'éducation en Guyane. Est-ce qu'en plus il faut les gazer ?»
Le collectif a installé des tentes et fait venir de la nourriture et de la musique. Des centaines de personnes participaient à 22h (heure locale) à un «pic-nic» citoyen, a constaté l'AFP.
La Guyane connaît depuis deux semaines un mouvement social de grande ampleur qui s'appuye sur des revendications sécuritaires, sanitaires et éducatives. Alors que le Conseil des ministres a validé le 5 avril une aide d'urgence de plus d'un milliard d'euros à destination de ce département d'Outre-mer, le mouvement «Pou La Gwiyann dékolé» réclame 2,1 milliards supplémentaires.
«On ne peut pas aller au-delà et on n'ira pas au-delà», a répondu Laurent Lenoble. De nouvelles demandes devront être faites au prochain gouvernement, «qui aura cinq ans pour travailler», a-t-il fait remarquer.
Le mouvement semble cependant être entré dans une phase de division. Certains appellent au démantèlement des barrages érigés sur le territoire, alors que d'autres veulent aller jusqu'au bout.
Dans la soirée du 6 avril, le collectif avait annoncé qu'il maintenait le dispositif. «Si on lève les barrages, la plupart des gens retourneront travailler. Et c'en sera fini du mouvement», avait commenté un membre du collectif. La maire de Cayenne, la socialiste Marie-Laure Phinera-Horth, interrogée par l'AFP, a appelé à «arrêter la crise».
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Une «grève générale illimitée» avait été décrétée le 25 mars en Guyane. L'activité économique est au point mort depuis plus de deux semaines. Le blocage du port de Cayenne, par lequel passent plus de 90% des importations et exportations du département, provoque des pénuries. Dans les supermarchés, les rayons de produits frais sont vides.
Le 6 avril à l'aéroport de Cayenne, tous les vols ont été annulés après que les pompiers ont cessé le travail au sein de cette infrastructure qui fonctionnait déjà a minima. Deux avions devaient quitter la Guyane le 7 avril, a indiqué un passager du second vol, prévu en début de soirée.