Le 7 février, le président de la République François Hollande se rendait au chevet de Théo Luhaka. Le 2 février, ce jeune habitant d’Aulnay-sous-Bois âgé de 22 ans, avait été contrôlé par les forces de l’ordre. Il avait ensuite accusé les policiers de l’avoir violenté, insulté et violé à l’aide d’une matraque.
Hospitalisé pour une déchirure à l’anus, Théo Luhaka a été à l’origine d’une polémique d'ampleur nationale. Les manifestations se sont enchaînées, plusieurs banlieues parisiennes se sont enflammées à la nuit tombée durant des jours. L’événement est politique. Tellement politique que le locataire de l’Elysée en personne s'est rendu auprès du jeune homme alors qu’il était hospitalisé.
Sur les réseaux sociaux, une lutte s’est alors engagée, Twitter voyant se dessiner deux camps : les «hashtags» réclamant justice pour Théo et les appels à soutenir la police. Mais très vite, une autre affaire a refait surface.
Deux camps bien distincts
Le 8 octobre 2016, deux membres des forces de l'ordre avaient été «violemment attaqués au moyen d'engins incendiaires alors qu'ils accomplissaient une mission de surveillance, dans la zone de sécurité prioritaire de La Grande Borne» (Viry-Châtillon), et «leurs collègues venus en renfort [avaient] également été pris pour cible». A l’époque encore Premier ministre, Manuel Valls avait ainsi décrit une agression ayant entraîné l’hospitalisation d’un adjoint de sécurité de 28 ans, très grièvement brûlé et de sa collègue âgée de 39 ans dont les blessures étaient moins importantes.
L'adjoint de sécurité avait dû subir plusieurs greffes de la peau et passer une dizaine de jours sous coma artificiel à l'hôpital Saint-Louis à Paris avant d'intégrer un centre de réadaptation en Seine-et-Marne. Sa collègue avait elle aussi été soignée durant plusieurs jours à l'hôpital Saint-Louis, à Paris.
François Hollande ne s’est jamais rendu à leur chevet. Et c’est précisément cette décision – ou plutôt non décision – du chef de l’Etat qui a eu un écho assourdissant lors de «l’affaire Théo».
Très vite, de nombreuses personnalités ont critiqué le président de la République, rappelant qu’il n’avait pas jugé nécessaire de faire la même visite de courtoisie aux policiers blessés que celle qu’il avait accordée à Théo Luhaka.
Jérôme Cochet, proche de David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen, écrivait ainsi dans un tweet en février dernier (tweet supprimé depuis) : «L’une [Marine Le Pen] est au chevet des boucliers de la nation. L’autre [François Hollande] est au chevet des racailles.» Il faisait ici référence à la position de la patronne du Front national, qui consistait à se placer du côté des forces de l’ordre en attendant la fin de l’enquête.
Laurent-Franck Liénard, un avocat spécialisé dans la défense des forces de l’ordre, était lui l’invité d’Yves Calvi le 21 février sur LCI. «Ca me choque totalement que le président de la République soit venu à son chevet [celui de Théo Luhaka] parce que moi je défends les policiers qui ont brûlé à Viry-Châtillon, et ils n’ont pas vu le président de la République. Ils sont brûlés [...] Et, ils n’ont pas vu le Président de la République ! Vous voyez ? Et ça, ça me choque ! Parce qu’on renverse l’échelle des valeurs», déclarait-il sur les ondes de la chaîne d’information.
Quelques jours plus tard, le 25 février, c’était au tour du numéro deux du Front national, Florian Philippot, de faire le rapprochement entre les deux affaires. «Moi, j’ai été choqué dans l’Affaire Théo. Très bien, le président de la République est allé voir Théo. C’est respectable. Il est pas allé voir les deux policiers qui avaient été brûlés vifs dans leur véhicule par des racailles au mois de novembre, qui ont été à l’hôpital longtemps. Là, le président de la République ne s’est pas déplacé», lançait-il sur BFMTV.
Les deux policiers récompensés
Impossible de savoir en l’état si François Hollande a cédé à la polémique, des mois plus tard qui plus est. Reste que les deux policiers gravement brûlés lors de l'attaque aux cocktails Molotov de Viry-Châtillon ont reçu le 4 avril la médaille de chevalier de l'Ordre national du mérite, des mains du ministre de l'Intérieur Matthias Fekl.
«Aucune violence commise à l’encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique ne restera impunie. Quand on attaque un policier, on attaque la France. Elle ne l’accepte pas. Et ne l’acceptera jamais», a déclaré le locataire de la place Beauvau lors de la cérémonie.
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Côté judiciaire, selon le ministre de l'Intérieur, quinze personnes, soupçonnées d'appartenir au groupe d'agresseurs ayant incendié le véhicule dans lequel les agents stationnaient, sont toujours incarcérées.