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«Bienvenue Place Beauvau» : le livre sur les secrets de la police en «Hollandie» en rupture de stock

L'ouvrage paru le 23 mars est au cœur d'une controverse. François Fillon qui dit l'avoir lu, dénonce l'existence d'un «cabinet noir» mis en place par François Hollande. Les auteurs contestent. Mais la sortie de Fillon leur a fait une excellente pub.

Voilà un livre qui est en train de faire du bruit. A quelques semaines du premier tour de la présidentielle, Bienvenue Place Beauvau, Police : les secrets inavouables d'un quinquennat écrit par deux journalistes du Canard enchaîné et une journaliste indépendante, raconterait la manière dont François Hollande a tenté d'utiliser le ministère de l'Intérieur et ses outils pour tenter de se faire réélire en 2017. 

Paru le 23 mars chez Robert Laffont et déjà en rupture de stock, le livre se penche sur la façon dont l'exécutif, et François Hollande en premier lieu, a géré durant cinq ans la «machine policière française».

Dans le premier chapitre consacré à la «désarkozysation», les trois auteurs – Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé – laissent planer le doute sur le fait que le chef de l'Etat aurait mis en place un «cabinet noir anti-Sarkozy»

Les trois auteurs, Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé font néanmoins planer le doute dans le premier chapitre consacré à la «désarkozysation», sur l'existence d'un «cabinet noir anti-Sarkozy» mis en place par le chef de l'Etat. 

S'ils ne sont pas en mesure d'apporter de preuve formelle ni de prouver le contraire, les auteurs estiment que «l'addition d'indices troubles et de témoignages étonnants interroge». Ils affirment en effet que plusieurs observateurs bien placés dans l'appareil policier leur ont ainsi décrit l'existence d'une «structure clandestine, aux ramifications complexes et dont le rayon d'action ne se serait pas cantonné au seul renseignement territorial».

Le livre détaillerait également la façon dont François Hollande a su «tirer profit» d'une «mécanique complexe aussi efficace que redoutable» pour potentiellement «orchestrer les affaires judiciaires». Il souligne encore la présence de proches du président à des postes-clés de l'administration, de Bercy à la Chancellerie, en passant par Beauvau, la préfecture de police de Paris et la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

De fait, le livre décrit les petites et grandes guerres menées à coups d'affaires judiciaires, entre grands policiers et hauts fonctionnaires proches des camp de Hollande, de Chirac, de Sarkozy ou de Valls – ou supposés tels.

«L'impréparation, la méconnaissance de l'appareil policier et judiciaire, ainsi que les circonstances ont très vite amené François Hollande à renier ses principes et à adopter des méthodes qui n'ont rien à envier à celles de ses prédécesseurs», déplorent Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé

Plus fondamentalement, les auteurs tirent de leur plongée dans les arrières-cours de la maison police des conclusions désenchantées : société qui se communautarise, «inadaptation» et «désorganisation» des forces de sécurité.

Citant le Premier ministre Bernard Cazeneuve, pour qui il «est long de reconstruire une police», les trois journalistes appellent à un sursaut : «Plus que jamais la présidentielle passe par l'Intérieur.»

Fillon s'appuie sur le livre pour dénoncer un scandale d'Etat

Pour François Fillon, mis en examen la semaine dernière après des soupçons d'emplois fictifs dans sa famille, l'ouvrage semble tomber à pic. Le 23 mars sur le plateau de L'Emission politique sur France 2, le candidat de droite à la présidentielle, se basant sur «les bonnes feuilles» du livre, avait dénoncé un «scandale d'Etat», accusant François Hollande d'organiser, à la tête de cet hypothétique «cabinet noir», les fuites dans la presse sur les affaires judiciaires qui l'éclaboussent depuis plusieurs mois

«On cherchait un cabinet noir, on l'a trouvé, en tout cas, à travers ces allégations», a insisté le député de Paris, ajoutant qu'il demandait «solennellement», qu'une enquête soit ouverte sur «les allégations qui sont portées dans ce livre [...]».

«C'est un livre sur le ministère de l'Intérieur et la place Beauvau, qui, en 250 pages, explique que François Hollande fait remonter toutes les écoutes judiciaires qui l'intéressent à son bureau, ce qui est d'une illégalité totale, comment il est branché directement sur Bercy, sur Tracfin, sur les informations qui lui sont apportées en permanence, comment il est au courant des moindres faits, des moindres filatures, y compris concernant son ancien Premier ministre Manuel Valls», avait martelé François Fillon sur France 2.

«Si ce qui est écrit dans ce livre est vrai, je pense que dans l'histoire récente de la Ve République, un chef d'Etat n'est jamais allé aussi loin dans l'illégalité, la prise de pouvoir sur des services sur lesquels il ne devrait pas avoir autorité», a-t-il également affirmé.

Dans un communiqué de presse, le président François Hollande a vivement «condamné avec la plus grande fermeté les allégations mensongères de François Fillon», l'Elysée assurant que le chef de l'Etat n'avait été mis au courant des affaires visant le candidat «que par la presse».

«Il essaye de faire un coup», assurent les auteurs

«On n'a jamais écrit ça», s'est défendu le journaliste du Canard enchaîné Didier Hassoux. «La seule personne qui croit qu'il y a un cabinet noir à l'Elysée c'est François Fillon», a-t-il poursuivi sur Franceinfo, dénonçant une instrumentalisation de l'ouvrage.

«Il y croit tellement [à ce cabinet noir] que le 24 juin 2014 [...] il est allé voir Jean-Pierre Jouyet, qui est le numéro 2 de l'Elysée, pour lui demander d'activer ce cabinet noir. Ce cabinet noir n'existe pas», a poursuivi Didier Hassoux.

«Nicolas Sarkozy avait [...] mis en place une police politique [...] alors que François Hollande, a simplement instrumentalisé la police à des fins politiques mais comme tous les présidents de la Ve République, c'est une maladie française», a-t-il poursuivi.

Pour le journaliste, il y a une instrumentalisation de son livre par François Fillon, un homme «aux abois», qui «essaye de faire un coup».

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