La fameuse théorie des «deux gauches irréconciliables», formulée par Manuel Valls en février 2016 et amplement évoquée par la presse durant la primaire organisée par le Parti socialiste (PS), semble se concrétiser. Dans une tribune publiée dans Le Monde du 31 janvier, les députés socialistes Christophe Caresche et Gilles Savary annoncent que le pôle des Réformateurs – l'aile droite du PS – auquel ils appartiennent, ne suivra pas Benoît Hamon dans sa course à la présidentielle. Un engagement qui concerne 17 responsables socialistes, selon une journaliste de BFM TV.
L'annonce tombe deux jours seulement après la victoire à la primaire de la gauche de Benoît Hamon, qui porte un programme de rupture d'avec le quinquennat Hollande – contrairement à ce que proposait son malheureux rival, l'ex-Premier ministre Manuel Valls.
«En tant que militants, nous ne pouvons nous sentir liés par un "projet de société" fondé sur une logique d’assistance généralisée et de dépréciation de la valeur travail», écrivent sans prendre de gants les «Réformateurs», en faisant évidemment référence au revenu universel, proposition phare de la campagne de Benoît Hamon.
Fidèles au bilan du président de la République, les auteurs de la tribune refusent, plus globalement, de porter un projet présidentiel conçu comme «l'antithèse» du mandat présidentiel venant de s'écouler – Benoît Hamon entendant, notamment, supprimer la loi travail. En outre, le programme porté par le vainqueur de la primaire de la «Belle Alliance populaire» n'est pas seulement contraire aux convictions et engagements de ces députés hollandistes, mais il compromet, selon eux, l'avenir même du PS, en condamnant durablement la gauche à l'opposition.
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La droite du PS déjà «En Marche» ?
La défection des «Réformateurs» précède-t-elle un ralliement à Emmanuel Macron, dont les idées centristes peuvent séduire les socialistes les plus à droite ? Certains élus PS, en effet, n'ont pas attendu longtemps après la victoire de Benoît Hamon à la primaire pour rejoindre le leader d'«En Marche !». Quelques heures seulement après l'annonce des résultats du deuxième tour du scrutin, le député du Cantal Alain Calmette avait ainsi annoncé son engagement derrière l'ex-ministre de l'Economie. Dans une lettre diffusée sur Twitter, l'ex-soutien de Manuel Valls avait jugé sa décision logique : «"Macrono-vallsiste", comme j'aime à me définir, je suis resté fidèle jusqu'au bout à l'homme d'Etat qu'est Manuel Valls.»
Le lendemain, lundi 30 janvier, un autre vallsiste déçu, le député de la Loire (PS) Jean-Louis Gagnaire, avait annoncé sur son blog personnel rejoindre les rangs d'Emmanuel Macron, seul candidat à l'élection présidentielle pouvant «mettre en échec le duel annoncé entre la droite de François Fillon et l’extrême droite de Marine Le Pen». Tandis que Benoît Hamon, d'après lui, porte un projet «racoleur» et «irréalisable».
Contre les divisions de la gauche, des écologistes appellent à un bloc PS-EELV-France insoumise
Le jour même de la publication de la tribune des «Réformateurs» du PS, des responsables de la gauche écologique et du Front de gauche ont prôné, dans Le Monde toujours, un projet tout à fait différent pour les socialistes : l'union des candidatures Europe Ecologie les Verts (EELV), France insoumise (le mouvement de Jean-Luc Mélenchon) et PS à l'élection présidentielle.
L'appel, signé notamment par la députée européenne Michèle Rivasi (EELV), l'ex-EELV Noël Mamère et la députée européenne Marie-Christine Vergiat (Front de gauche), se fonde sur la même crainte d'un duel Fillon-Le Pen que celui invoqué par les partisans d'«En Marche». Alors que les sondages donnent les candidats Les Républicains (LR) et Front national (FN) en tête du premier tour de la présidentielle, «le rassemblement d’une gauche écologique, sociale, démocratique et solidaire, rompant avec le renoncement et la trahison du quinquennat qui s’achève», s’impose selon ces hommes et femmes de gauche comme un «impératif catégorique».
Or, si des «dissensus» existent entre les projets de Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot (notamment en ce qui concerne «la relation avec la Russie de Poutine»), les auteurs de la tribune assurent que les programmes des trois candidats «convergent sur la nécessité de penser un monde post-croissance». Reste à savoir lesquels des prétendants à l'investiture présidentielle seront prêts à laisser leur place...
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