France

Primaire de la gauche : les candidats sont-ils obsédés par la Russie et Vladimir Poutine ?

Alors qu'ils ne figuraient pas parmi les sujets prioritaires proposés par les animateurs du débat, la Russie et son président ont occupé une place de choix pour les candidats, frôlant même l'obsession chez certains. Décryptage.

La politique internationale s'est invitée au troisième débat de la primaire de la gauche. 

Qu'il s'agisse du destin de Bachar el Assad, de Donald Trump, des relations avec l'allié outre-atlantique ou de la place de l'Europe dans le monde, la Russie et son président Vladimir Poutine ont été à nombre de reprises évoqués par tous les participants. 

La situation en Syrie a été abordée en premier. Ici, tous les intervenants semblaient d'accord, martelant la même chose : l'impossibilité, selon eux, de dialoguer avec l'actuel gouvernement syrien et le «dictateur Bachar el-Assad». Seul Jean-Luc Bennamhias a semblé prendre un peu de recul à ce sujet.

François De Rugy a affirmé qu'il fallait «écarter toute discussion avec Bachar el-Assad», à cause de, selon lui, la guerre qu'il mène contre son propre peuple depuis cinq ans. Sylvia Pinel pour qui le président syrien est «un dictateur sanguinaire qui massacre son propre peuple», a abondé dans son sens. 

Mais, une fois cette parenthèse sur Bachar el-Assad ouverte, le débat s'est vite déplacé vers... Vladimir Poutine, et ce alors que le président russe n'était pas au centre de la question sur la Syrie posée par les animateurs de France. 

Ainsi, François de Rugy s'est montré très inquiet au sujet de «l'expansionnisme de Vladimir Poutine», expliquant : «Il faut aller un peu au-delà : ce qui se passe en Syrie, c'est le laboratoire de la politique de Vladimir Poutine. Il a joué sa carte. Après les bombardements d'armes chimiques, la France a proposé d'intervenir, et François Hollande a eu raison de proposer d'intervenir. On n'aurait jamais dû laisser cela impuni. A partir de là, Vladimir Poutine a poussé son pion.»

François de Rugy appelle l'Europe à s'affirmer face à «la Russie de Vladimir Poutine d'un côté et les Etats-Unis de Donald Trump de l'autre». Visiblement inquiet du rapprochement qui pourrait se dessiner entre Washington et Moscou suite à l'élection du candidat républicain, Rugy propose que «l'OTAN soit remplacée par une alliance militaire européenne». «L'OTAN va de toutes façons se désagréger, comme l'a annoncé Donald Trump. Il faut prendre malheureusement Donald Trump au sérieux», a-t-il affirmé.

Et Manuel Valls et Benoît Hamon de lui emboîter le pas avec enthousiasme : «Tu as raison !»

Cette approbation de Manuel Valls n'est pas vraiment étonnante. En effet, dans une récente interview, l'ex-Premier ministre n'avait pas hésité à dire qu'une alliance entre Vladimir Poutine et Donald Trump était «la fin du monde». En outre, Manuel Valls a également déclaré pendant ce débat qu'il fallait «prendre au sérieux les mots de Trump et Poutine», dont l'objectif, selon lui, serait «de casser l'Europe». 

Cette question de l'alliance supposée entre Trump et Poutine a également été une occasion pour les candidats de tacler la droite, notamment François Fillon et Marine Le Pen qui se sont prononcés en faveur d'une coopération avec Moscou, voire d'un rapprochement.

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François De Rugy a déclaré : «L'alliance que Donald Trump veut faire avec la Russie. Ça n'a rien à voir avec la guerre froide. Il veut faire une alliance. Et en France ? Madame Le Pen, Monsieur Fillon, veulent se joindre à cette alliance avec la Russie.»

Face à cette situation, le vice-président de l'Assemblée nationale a déclaré : «Il faut qu'on ait une alliance forte France-Allemagne, et la Pologne, qui se sent menacée, même si cette proposition a fait ricaner. Si nous proposons cette alliance, nous avons les moyens d'avancer.»

Cependant, pour François de Rugy, il ne faut «pas [faire] la guerre à la Russie, personne ne propose cela».

La présidente du Parti Radical de Gauche Sylvia Pinel a repris l'idée exprimée par François de Rugy. Selon elle, en effet, «la position d'alignement de Fillon vis-à-vis de Poutine est inacceptable».

Pour l'ex-ministre du Logement, les déclarations de Donald Trump «doivent pousser les Européens à aller plus vite, notamment en ce qui concerne la défense et la sécurité [...] il faut une Europe forte face à Poutine, mais aussi face à la Chine et à l'Inde demain», a-t-elle poursuivi.

Benoit Hamon, s'il s'est montré d'accord avec ses rivaux sur la question syrienne en considérant qu'il n'y a pas de discussion possible avec la Russie sur la Syrie, a exprimé une autre crainte : celle de la dépendance énergétique de la France et de l'Europe vis-à-vis de la Russie.

Arnaud Montebourg, quant à lui, est resté plutôt discret sur la question, déclarant que «le mot d'ordre de la politique étrangère française [devait] être l'indépendance des USA de Trump, ou de la Russie de Poutine».

Seul Jean-Luc Bennahmias a été moins catégorique au sujet de la Russie et de Vladimir Poutine, déplorant que «la France ait été exclue des négociations» sur le conflit syrien, mais considérant devoir «continuer à intervenir». «On discute forcément avec ses ennemis. Et il nous faudra, de ce fait, discuter avec Poutine», a-t-il jugé.

Vincent Peillon, voulant visiblement rassurer ses collègues et son auditoire au sujet du prétendu danger que constituent la Russie et son président, s'est démarqué avec une phrase un peu curieuse et dont le rapport avec la question internationale et syrienne reste discutable : «Le PIB de la Russie, c'est entre celui de l'Italie et [celui] de l'Espagne. Il faut arrêter d'avoir peur.»

Vincent Peillon a eu beau vouloir rassurer ses rivaux, il n'a malheureusement pas pu faire grand chose contre l'obstination des candidats à brandir la prétendue «menace russe» et le danger que représente à leurs yeux le président Vladimir Poutine.

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