«Pierre après pierre, l'édifice de la protection des droits fondamentaux, construit avec tant de soins après la Seconde Guerre mondiale, se fait démanteler» au nom de la «lutte contre le terrorisme», affirme Amnesty international dans un rapport.
L'ONG fait la liste des mesures prises dans ce cadre : adoption de lois «à la hâte», avec «très peu» de consultation, «consolidation du pouvoir dans les mains de l'exécutif» ou des services de sécurité, aux dépens du système judiciaire, «exigences en matière de preuves revues à la baisse», ou invocation de «preuves secrètes» contre des suspects, qui ne leur sont pas divulguées, ni à leurs avocats, utilisation de mesures de «contrôle administratif» pour restreindre la liberté de circulation et d'association de certains individus, «pénalisation de nombreuses formes d'expression qui sont loin de constituer une incitation à la violence», etc.
En France, pays régulièrement cité dans le rapport, notamment en raison de l'état d'urgence qui a été instauré après les attentats du 13 novembre 2015 et renouvelé depuis, «des centaines de personnes», dont certaines mineures, ont été poursuivies pour «apologie du terrorisme», souvent pour des commentaires sur Facebook.
Le rapport pointe notamment le nombre disproportionné de perquisitions menées dans des affaires de suspicion de terrorisme au regard du nombre d'inculpations effectuées. «1% des perquisitions de domiciles menées entre novembre 2015 et février 2016 (soit plus de 3 000) ont donné lieu, au regard de la législation française, à des chefs d’accusation pour activités à caractère terroriste», indique l'ONG.
En Espagne, des lois sur la «glorification du terrorisme» ont «ciblé des artistes et musiciens», poursuit le rapport.
Augmentation des discriminations
Certaines populations, en particulier «les musulmans, les étrangers, ou les personnes considérées comme musulmanes ou étrangères», ont été discriminées «de manière disproportionnée et extrêmement néfaste» du fait de ces mesures, relève l'ONG.
Alors qu'injures et agressions se sont multipliées, des passagers ont été contraints de descendre d'avion au prétexte qu'ils «ressemblaient à des terroristes», des femmes se sont vues interdire le port du maillot de bain intégral sur la plage en France, des enfants réfugiés ont été arrêtés pour avoir joué avec des pistolets en plastique en Grèce, énumère-t-elle.
«La régression continue de nombreux aspects de la protection des droits au sein de l'UE doit cesser», tonne Amnesty, qui appelle les Etats à «respecter leurs obligations internationales».
En janvier 2016, le Conseil de l'Europe avait déjà fait part de ses inquiétudes concernant le «risque que le système de contrôle démocratique soit sapé» par les mesures d'exceptions françaises. «Nous assistons à certaines dérives, il y a des pratiques de profilage ethnique de la part des agents de police, des forces de répression», avait affirmé le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe Nils Muiznieks. Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, avait balayé d'un revers de main ces accusations.
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