France

Primaire de la gauche : les sept candidats réunis pour un deuxième débat

Les prétendants de la primaire de la «Belle alliance populaire» confrontent leurs idées devant les Français lors d'un deuxième débat diffusé le dimanche 15 janvier à partir de 18h sur BFMTV, i-Télé et RMC.

Dimanche 15 janvier

Conclusion : les candidats de la primaire saluent un deuxième débat plus stimulant que le précédent.

Benoît Hamon insiste sur ses craintes concernant la droite, qui exalterait une France révolue et proposerait en matière de politique étrangère une forme «d'idylle avec Vladimir Poutine».

Arnaud Montebourg conclut son intervention sur la «lutte impérieuse contre les discriminations».

Dernier intervenant, l'ex-chef du gouvernement, Manuels Valls, joue une fois encore les cartes de «l'énergie» et de «l'expérience».

Laïcité :

- Vincent Peillon entend remettre «l'enseignement moral et civique à tous les niveaux», juge que la laïcité est «le cœur de notre nation»... et tacle François Fillon, qui invoque son identité chrétienne. «Il y a une religion plus importante que d'autres», reconnaît pour autant l'ex-ministre de l'Education nationale, faisant très certainement allusion au catholicisme.

- Manuel Valls juge que la laïcité est remise en cause... par François Fillon, d'une certaine manière, mais également dans les «quartiers populaires».

Selon l'ex-Premier ministre, mener le combat de la laïcité est d'actualité en raison de la «montée de l'islamisme radical, du salafisme, des Frères musulmans». «Ne faisons pas comme s'il n'y avait pas de montée de l'antisémitisme [...] rappelez-vous mon combat contre Dieudonné», a-t-il ajouté.

- Benoît Hamon : «Ce qui fait la force de la civilisation qui est la nôtre» est notamment le respect de l'égalité homme-femme. «Si cette loi [sur la laïcité]devait être interprétée, elle doit l'être de la manière la plus libérale», a néanmoins déclaré le député socialiste, en assurant citer Aristide Briand.

- Arnaud Montebourg : «S'il doit y avoir discrétion pour les uns, il doit y avoir discrétion pour les autres», estime-t-il, en faisant référence aux propos polémiques de Jean-Pierre Chevènement.

«Une adulte majeure à l'université a le droit de porter ce qu'elle veut», considère l'ex-ministre de l'Economie.

- Jean-Luc Bennahmias : «On a trop joué avec les communautarismes» dans les cités.

- Sylvia Pinel, quant à elle, se dit «choquée» que François Fillon se revendique du christianisme. Selon elle, il est inadmissible, selon «les conception républicaine de la laïcité et de l'égalité», que des femmes soient soumises à des pressions, par exemple de porter le voile.

- François de Rugy : «La laïcité est un bouclier», permettant de lutter contre «les tentatives de régression» existantes. L'écologiste a pris pour exemples les «provocations» des défenseurs du burkini, et le fait que certaines personnes payent «des amendes à celles qui portent la burqa alors que la loi l'interdit», faisant référence sans le citer à Rachid Nekkaz.

Scolarité : Benoît Hamon, qui a été ministre de l'Education nationale sous Hollande, juge que «beaucoup a été fait» sous le quinquennat. Il souhaite néanmoins imposer un nombre maximum de 25 élèves par classe (et 20 dans les territoires d'Outre-Mer) et créer un «service public d'aide aux devoirs» pour lutter contre les inégalités.

Autre ancien ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon défend le bilan de l'exécutif socialiste et appelle à «poursuivre» les efforts. «Jamais autant n'a été fait pour l'école de la République depuis des décennies», considère-t-il.

Arnaud Montebourg, de son côté, promet une enveloppe de 7 milliards d'euros pour l'Education nationale, dévouée notamment à des embauches. «On traite [les enseignants] comme des fonctionnaires d'exécution», alors que ce sont «des cadres», s'indigne par ailleurs l'ex-ministre de l'Economie.

«Les grandes nations de demain sont celles qui investissent [...] dans la recherche», signale Manuel Valls, qui accorde une attention toute particulière à l'Enseignement supérieur.

Enfin, l'écologiste François de Rugy note que si les publicités pour les aides privées au soutien scolaire se multiplient dans l'espace public, «c'est qu'il y a un problème».

Durant cette séquence sur l'Ecole, plusieurs des participants au débat ont tenu à dénoncer le projet du candidat de la droite, François Fillon, qui implique notamment de réduire le nombre de fonctionnaires. Benoît Hamon, notamment, a opposé la vision qu'a le champion des Républicains de l'école, mettant notamment l'accent sur le respect de l'autorité, à son «Ecole de l'égalité».

Bilan de François Hollande : Manuel Valls revendique «sa fierté d'avoir gouverné» la France sous la présidence Hollande. «Je veux incarner la France [...], sa culture, sa langue, sa diplomatie», tient-il à ajouter.

Benoît Hamon, également ancien ministre sous Hollande, salue la décision du président de ne pas se présenter de nouveau, permettant aux candidats à la primaire de la gauche de «tourner la page» du quinquennat.

«Le mot "fronde" est inapproprié», juge Arnaud Montebourg, à propos des personnalités du PS qui se sont montrées critiques vis-à-vis de l'exécutif. L'ex-ministre de l'Economie dénonce par ailleurs «la concentration des médias entre quelques mains», qui nuit selon lui au pluralisme, et prend tout particulièrement pour cible I-Télé, dont les employés et la direction ont récemment connu de profonds différends.

«Il va falloir rassembler» la gauche – y compris les forces représentées par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon – estime Vincent Peillon, qui propose d'instaurer une «proportionnelle intégrale». L'ex ministre de l'Education nationale dénonce par ailleurs «les débats identitaires qui abîment notre pays et le tirent vers le bas».

Jean-Luc Bennahmias, lui, entend mettre fin à la «monarchie républicaine» et gouverner au moyen de larges coalitions politiques.

Cannabis : Benoît Hamon juge que le «tout répressif» ne permet pas de réduire la consommation de cannabis, et souhaite légaliser le commerce de cette drogue... qui permettra selon lui de financer la lutte contre la dépendance.

Sylvia Pinel, également favorable à la dépénalisation du cannabis, juge que celle-ci est un «enjeu de sécurité». «En encadrant la distribution de cannabis [...] cela permettra d'assécher [les] réseaux» de trafiquants, a estimé la présidente du Parti radical.

Jean-Luc Bennahmias a dénoncé «quarante ans d'hypocrisie» de prohibition du cannabis, quand celui-ci serait consommé massivement en France. «Un certain nombre d'hommes très âgés» fument du cannabis, a par ailleurs assuré le président du Front démocrate.

A contre-courant de la plupart des autres candidats de la primaire, Manuel Valls a rappelé son opposition à la dépénalisation du cannabis. «Il faut des interdits dans une société [...] si vous légalisez le cannabis, vous aurez un cannabis plus dur [...] de toute façon les trafics vont continuer», a-t-il martelé. Arnaud Montebourg, lui aussi, a «quelques réticences» sur une utilité d'une dépénalisation du cannabis, un produit dont «on sait qu'il est nocif».

Vincent Peillon, lui, propose un «grand débat national» sur le sujet.

Ecologie et énergies renouvelables : François de Rugy juge que la sortie progressive du nucléaire est un projet «très sérieux». «Nous avons très froid dans ce studio» en raison d'une climatisation superflue, a par ailleurs plaisanté l'écologiste.

«L'ennemi c'est le charbon, le pétrole», a affirmé de son côté Arnaud Montebourg, tout en précisant que l'on ne pouvait pas à la fois s'attaquer à ces énergies polluantes et au nucléaire. «On a besoin du nucléaire pour réduire cette addiction au carbone», a-t-il jugé.

Le choix des énergies renouvelables est le choix d'un moindre coût pour les consommateurs, a de son côté assuré Benoît Hamon.

«Dans les grandes villes il faut continuer à interdire le diesel», a lancé Jean-Luc Bennahmias, également favorable à un développement des énergies renouvelables.

Pour Sylvia Pinel aussi, la priorité absolue est la «diminution des énergies fossiles», tandis que maintenir la production nucléaire à un niveau suffisant serait, pour l'instant, un gage d'indépendance énergétique pour la France. Cette dernière idée a été battue en brèche par François de Rugy, qui a rappelé que l'uranium, nécessaire à la production d'énergie nucléaire, provenait entièrement de l'étranger.

Pique de Vincent Peillon adressée à Manuel Valls : «Quand on critique la politique menée par le gouvernement, on ne critique pas la France».

L'ex-Premier ministre avait en effet souhaité disqualifier de cette manière les critiques à l'égard de la politique étrangère menée par Paris.

S'éloignant du thème des migrants, Arnaud Montebourg a réitéré ses critiques sur le «dumping social» dû, en Europe, aux travailleurs détachés.

Crise des migrants, toujours : Benoît Hamon souhaite consacrer 0,7% du PIB français au développement des pays du Sahel.

«Le droit d'asile, c'est nous, c'est notre tradition», a tenu à déclarer Manuel Valls, qui prône néanmoins une politique d'accueil des migrants moins généreuse que celle de ses concurrents de la primaire de gauche. «Il faut de la maîtrise, les frontières sont là [...] l'accueil illimité ce n'est pas possible», a-t-il ajouté.

«Nous avons un désaccord profond» sur ce sujet parmi les candidats de la primaire, a réagi Vincent Peillon. Alors que de nombreuses personnes ont été «massacrées par Bachar el-Assad», a assuré l'ancien ministre, la France se doit d'ouvrir ses portes aux migrants syriens.

Arnaud Montebourg, de son côté, a jugé que le Français récemment condamné par la justice pour avoir hébergé des migrants clandestins, avait raison. Pour autant, l'ex-ministre de l'Economie a rappelé que pour éviter que ne s'accroissent les flux de réfugiés, il fallait réfléchir avant de mener des interventions à l'étranger, pointant notamment du doigt le fiasco de «l'affaire libyenne».

«Le minimum vital serait que les pays européens» se partagent l'accueil des réfugiés, a déclaré Jean-Luc Bennahmias, qui a reproché à la Hongrie et à la Slovaquie d'avoir refusé tout accueil de réfugiés. «Ce que nous avons fait nous l'avons mal fait», a-t-il par ailleurs déclaré, au sujet de la politique française en Syrie. Le candidat a également évoqué «la guerre au Yémen, dont personne ne parle», et a conspué «l'Arabie saoudite qui bombarde allégrement la population yéménite».

Sylvia Pinel, enfin, a loué l'action du gouvernement, qui a selon elle bien anticipé la crise migratoire en organisant la répartition des réfugiés dans les communes.

«La désaffection populaire» pour l'UE est due, selon Jean-Luc Bennahmias, au fait que les référendums sur l'Europe n'ont pas été respectés. Le leader du Front démocrate propose, en outre, une alliance entre les Etats du sud de l'Europe, afin d'imposer à l'Allemagne une politique fiscale européenne différente.

Crise des migrants : «L'Europe ce sont des frontières», a martelé Manuel Valls. L'ex-Premier ministre, en outre, a rappelé que la Turquie «ne pouvait pas rentrer dans l'UE».

«La France reste fidèle à sa tradition d'accueil humaniste et digne», a assuré Sylvia Pinel, défendant le bilan de l'exécutif socialiste en la matière. La Radicale a néanmoins estimé qu'il fallait établir une «définition d'un statut de l'asile européen» afin de régler cette crise.

«Il faut être concret et réaliste» sur l'accueil des migrants, considère l'écologiste François de Rugy, qui appelle à une lutte plus sévère contre les passeurs. L'Union européenne doit également financer les ONG d'aide aux migrants, a-t-il estimé. Redirigeant le débat sur la question européenne, il a par ailleurs partagé son souhait de voir la France redevenir «un moteur de la construction européenne».

Europe : Arnaud Montebourg veut construire un «bloc réformateur», pour modifier la direction de l'UE, plutôt que de lui tourner le dos. L'Europe du «désarmement unilatéral» (face à des Etats comme la Chine pratiquant le protectionnisme) est selon l'ex-ministre de l'Economie «rejetée par les peuples».

Vincent Peillon, lui, souhaite respecter les obligations de diminution du déficit public liées à l'Union Européenne. «Il faut arrêter de ne pas respecter nos propres paroles», a martelé l'ex-ministre de l'Education nationale.

Benoît Hamon juge que la priorité pour l'UE est de «changer de système de développement», via notamment la transition écologique en matière énergétique. Interrogé sur la question des migrants, le député de la 11e circonscription des Yvelines juge que la France n'a pas été «à la hauteur de [ses] valeurs», et devrait accueillir plus de personnes.

Valls, en revanche, pense que «la France a eu raison» d'accueillir le nombre de migrants qu'elle a accueillis.

Donald Trump prendra ses fonctions le 20 janvier. «Nous ne choisissons pas les présidents des autres nations. Nous devons en prendre acte», déclare Jean-Luc Bennahmias. «Notre pays doit discuter avec les présidents Trump et Poutine», poursuit-il, avant de prôner une politique européenne de la Défense.

Selon Vincent Peillon, «Trump c'est une incertitude», notamment sur les questions écologiques et sécuritaires, en Europe de l'Est. «Trump d'un côté, Poutine de l'autre, c'est plus d'Europe», espère néanmoins l'ex-ministre de l'Education nationale.

«Je dirai à Donald Trump que nous avons une politique indépendante [...] et que nous ne pouvons pas être suivistes», promet Arnaud Montebourg, qui met dos à dos les «écoutes illégales de la NSA» et «les cyber-attaques russes». Lui aussi pense qu'il s'agit d'une opportunité pour construire une Europe de la Défense.

Pour Benoît Hamon, l'élection de Trump est synonyme de désengagement militaire américain en Europe, ce qui offre une opportunité pour les nations européennes en matière de Défense, d'autant que la Russie l'«inquiète».

Manuel Valls, de son côté, rappelle que «dans un mode dur et incertain, [il a]une stratégie [...] : l'indépendance de notre pays [...] et être à la hauteur du monde nouveau». L'ex-Premier ministre appelle lui aussi à une Défense européenne, et fait savoir que la France doit défendre face à Trump les conclusions de la COP21. Pour lui, Trump et Poutine sont «des hommes du rapport de force», auquel il faut parler avec force.

«L'élection de Trump montre que ce qui paraissait impossible s'est produit», note François de Rugy, avant d'ajouter que «l'alliance» Trump-Poutine constituerait un «renversement sans précédent dans l'histoire, avec quelqu'un [Poutine] qui pratique un expansionnisme russe agressif». Face à cela, l'écologiste appelle lui aussi l'Europe à se montrer unie.

«Il faut une France force [...] qui ne soit pas suiviste», espère Sylvia Pinel, souhaitant comme ses concurrents une solidarité européenne accrue en matière de Défense, afin de parler «d'une voix ferme et forte», tant à Donald Trump qu'à Vladimir Poutine.

Le deuxième débat de la primaire de la gauche est lancé ! Les questions internationales, l'Europe, le bilan de la gauche, la jeunesse, l'école et la laïcité sont au programme.

Les sept candidats qui ont été retenus pour la primaire de la gauche débattent devant les caméras de  BFMTV et i-Télé, dimanche 15 janvier à 18h. En lice : Manuel Valls, Vincent Peillon, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Sylvia Pinel (du Parti radical de gauche), François de Rugy (du Parti écologiste) et Jean-Luc Bennahmias (de l'Union des démocrates et des écologistes).

Un troisième débat sera organisé jeudi 19 janvier, avant le premier tour du scrutin, dimanche 22 janvier. Un ultime débat aura lieu pendant l'entre-deux-tours de cette élection.

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