France

L'Assemblée vote une cinquième prolongation de l'état d'urgence, jusqu'au 15 juillet

Les députés ont largement voté une cinquième prolongation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet, au motif qu'une menace terroriste aiguë se faisait sentir en période électorale, mais plusieurs ont appelé à préparer la sortie de ce régime.

La nouvelle prolongation de l'état d'urgence a été adoptée dans la nuit de 13 au 14 décembre par 288 voix contre 31, et cinq abstentions. La très grande partie de la majorité et de l'opposition ont voté pour. Seuls les députés du Front de gauche, les écologistes contestataires et une poignée de députés Les Républicains (LR) ont voté contre, dont initiallement Edouard Philippe mais il a par la suite rectifié son vote. 

La loi devrait être votée le 15 décembre au Sénat afin d'éviter une interruption automatique de l'état d'urgence le 22 décembre, quinze jours après la démission du gouvernement Valls.

La France connaîtra ainsi sa plus longue période d'état d'urgence ininterrompue - 20 mois - depuis la création de ce régime d'exception pendant la guerre d'Algérie. Durci par le Parlement depuis un an, le régime permet des assignations à résidence, perquisitions administratives, interdictions de cortèges, contrôles d'identité et fouilles de bagages et de véhicules, fermetures de lieux de réunion... 

Le nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, a souligné en préalable que «pesait aujourd'hui sur la France un risque terroriste d'un niveau extrêmement élevé». Depuis la dernière prolongation votée peu après l'attentat de Nice, «nous avons déjoué pas moins de 13 attentats, impliquant une trentaine d'individus», a-t-il plaidé. 

Avec de multiples rassemblements publics, le successeur de Bernard Cazeneuve a fait valoir que «l'intense période électorale dans laquelle nous entrons accroît encore le risque de passage à l'acte des terroristes».

En cette période, a jugé le nouveau président du groupe PS Olivier Faure, «si le pire advenait après une levée préalable de l'état d'urgence, il serait forcément instrumentalisé par l'extrême droite pour en appeler à un changement de régime».

Au regard du calendrier serré, le groupe LR n'a pas cherché à durcir le texte comme en juillet et réservera ses amendements pour «réarmer la Nation», selon Guillaume Larrivé, pour le dernier projet de loi sécuritaire du quinquennat modifiant les règles de la légitime défense pour les forces de l'ordre, qui sera débattu en janvier.

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Près d'une centaine de personnes assignées à résidence

«Plus de 420 individus en lien avec des réseaux terroristes» ont été interpellés depuis le début de l'année 2016, a indiqué selon France Info le ministre de l'Intérieur, afin de démontrer la pertinence d'un maintien de l'état d'urgence dans le pays. «Au cours du seul mois de novembre 2016, les services antiterroristes ont procédé à l’interpellation de 43 individus, dont 28 ont été déférés», a-t-il précisé. Le nouveau chef de la place Beauvau s'est en outre fécilité des quelque 600 perquisitions administratives réalisées depuis le 21 juillet 2016, qui ont permis, selon lui, de saisir 35 armes, «dont deux armes de guerre et 21 armes longues».

Le membre du gouvernement socialiste a également fait savoir que 90 personnes sont actuellement assignées à résidence, tandis qu'un peu plus de 2 000 Français ou personnes vivant en France sont impliqués dans des filières de recrutement djihadiste.

Contestation ostensible

Une poignée de députés LR n'ont cependant pas soutenu cette prolongation de l'état d'urgence, comme Pierre Lellouche, pour lequel «l'état d'urgence n'a pas permis d'empêcher des attentats».

La principale contestation est venue des députés du Front de gauche, d'écologistes non inscrits ou d'ex-PS. L'écologiste Cécile Duflot a déploré «une forme de résignation et d'habitude à débattre de mesures exceptionnelles», se demandant «quel gouvernement osera mettre fin à cet état d'urgence» et dans quelles «mains» il risquait de tomber.

«Ce régime doit rester un instrument d'urgence. Notre arsenal antiterroriste est largement suffisant», a renchéri le député du Front de gauche André Chassaigne.

Ces députés s'appuient notamment sur l'avis du Conseil d'Etat qui, malgré son feu vert au projet de loi, a rappelé que «les menaces durables ou permanentes doivent être traitées, dans le cadre de l’Etat de droit, par les instruments permanents de la lutte contre le terrorisme, tels ceux issus des lois adoptées depuis deux ans».

Ex-rapporteur de la commission d'enquête post-attentats de 2015, Sébastien Pietrasanta (PS) a exprimé ses réserves. «Lever l'état d'urgence n'est pas un désarmement de l'Etat face au terrorisme», qui sera le «combat d'au moins une génération», a-t-il lancé.

Le radical de gauche Stéphane Saint-André a, comme d'autres, souhaité que «cette prorogation soit la dernière».

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