Avec plus de 44% des suffrages, François Fillon a survolé, à la surprise générale, le premier tour de la primaire de la droite et du centre. Mais à moins d’une semaine du second tour, son rival Alain Juppé, qui n’a recueilli que 28,5% des voix, est bien décidé à contre-attaquer sur plusieurs terrains, à commencer par celui de la famille.
Fillon : un candidat «rétrograde» ?
En meeting à Paris après l’annonce des résultats, le maire de Bordeaux a dénoncé la vision «extrêmement traditionaliste pour ne pas dire un petit peu rétrograde sur le rôle des femmes, sur la famille, sur le mariage» de François Fillon, assurant : «Je dis à mes co-religionnaires catholiques que moi, je suis plus proche de la parole du pape François que de la Manif pour tous !»
Le désormais outsider a ensuite accusé son rival d’adopter une attitude «floue» sur l’avortement, qu’il aurait selon lui soutenu avant de revenir sur sa position.
L’intéressé n’a pas apprécié, déclarant qu’il n’aurait «jamais» pensé qu’Alain Juppé «tombe aussi bas». Un tweet pour remettre les points sur les «i» a même été publié sur le compte officiel de campagne du candidat : «Jamais François Fillon n'a envisagé de remettre en cause l'IVG et JAMAIS il ne le fera. Les contre-vérités propagées ne sont pas dignes.»
Juppé : un programme pas assez «radical» ?
Les deux candidats se sont également écorchés sur la question de l’économie, Alain Juppé dénonçant au journal télévisé de France 2 le programme d’une «très grand brutalité en matière économique» de son adversaire, qui consiste selon le Bordelais à «supprimer 500 000 emplois de fonctionnaires» ou encore à «porter la durée du travail dans la fonction publique dès 2017 à 39 heures».
Au même moment sur TF1, François Fillon lui a répondu, par JT interposé, qu’il caricaturait son programme pour tenter de «remonter la pente». Un jour plus tard, dans une interview au journal Le Parisien, François Fillon a récidivé en déclarant : «Le scepticisme d'Alain Juppé révèle ses hésitations à agir fort. Ses critiques justifient ma candidature. […] Je lui réponds que si on n'accepte pas de prendre des mesures radicales, la situation du pays continuera à se dégrader.»
Face à ces propos, Alain Juppé a tenu à rappeler l’expérience de son concurrent dans le gouvernement de Nicolas Sarkozy : «Il n’en a pourtant pas réalisé le quart [de son programme économique] quand il était Premier ministre. Pour réformer, il ne suffit pas de bomber le torse pendant la campagne, il faut aussi ne pas trembler une fois arrivé au pouvoir.»
Alors que la rivalité bat son plein à quelques jours du scrutin décisif, une brochure de deux pages intitulée «Neuf raisons de choisir Alain Juppé plutôt que François Fillon» a même été distribuée aux équipes du maire de Bordeaux pour tenter de convaincre l’électorat de droite, a rapporté le magazine français Les Inrocks.
Juppé ou Fillon ? Chacun choisit son camp
Après les ralliements successifs des candidats perdants à l’un ou l’autre des deux gagnants du premier tour, d’autres personnalités politiques n’ont pas caché leur préférence.
C’est notamment le cas de la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, qui, après avoir longtemps soutenu François Fillon, a rappelé sur la radio France Inter : «Alain Juppé est assurément le meilleur candidat pour gagner, et celui qui a le meilleur programme.» Un ralliement tardif qui serait mal passé auprès du vainqueur du scrutin du 20 novembre, qui aurait qualifié la femme politique de «Valérie Traitresse» en interne, selon Europe 1.
S’il est peu probable qu’elle vote à la primaire, la ministre socialiste des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol semble elle aussi avoir une dent contre François Fillon, qu’elle estime être le candidat «le plus réac sur les sujets de société, le plus libéral, le plus offensif contre les acquis sociaux».
Président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau a pour sa part estimé, sur France Inter, que François Fillon était «la cible du système» et qu’on disait de lui qu’il était «conservateur simplement parce qu'il parle de famille».
D’autres choisissent également de ne soutenir aucun des deux candidats, comme l’Inter-LGBT, qui regroupe des associations lesbienne, gay, bi et trans, qui a fait part de son «inquiétude» et de sa «vigilance» quant aux programmes d’Alain Juppé et de François Fillon.
Bayrou au centre… d’un dilemme
Enfin, un autre homme politique, le président du MoDem François Bayrou, fait de son côté l’objet d’un statut un peu particulier dans la course à la tête de la droite.
Ainsi, le maire de Pau, qui avait tablé comme beaucoup d’instituts de sondage sur un second tour Juppé-Sarkozy, avait annoncé, pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, que son «engagement public» était «pris à l'égard d'Alain Juppé et d'aucun autre». Un soutien qu’a tempéré ce dernier, expliquant ne pas avoir «conclu de pacte», alors que François Fillon rappelait lui son refus d’un accord avec le centre : «Je laisse Monsieur Bayrou là où il est.»
Mais l’ex-président de la République étant désormais hors course, François Bayrou pourrait bien revenir sur sa décision et s’ajouter à la liste des candidats à l’Elysée.