Il n'était pas initialement question de consulter la représentation nationale. Le décret portant création du fichier des titres électroniques sécurisé avait même paru en plein week-end prolongé de la Toussaint. «En catimini», selon ses détracteurs.
Devant les inquiétudes des défenseurs des libertés publiques et des critiques venant même de l'intérieur du gouvernement, à l'instar de la secrétaire d'Etat au numérique, Axelle Lemaire, qui avait évoqué un «dysfonctionnement majeur», Bernard Cazeneuve a tenté de rassurer les députés et convoqué un débat parlementaire au dernier moment.
En commission au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur, tentant de défendre le projet, a dû faire face aux critiques des parlementaires. De nombreux députés, toutes couleurs politiques confondues, ont notamment reproché au gouvernement d'avoir organisé un débat sans vote. Aussi, quitte à donner l'impression d'avoir dans la précipitation mis la charrue avant les bœufs, Bernard Cazeneuve a concédé que le débat n'avait «pas eu lieu en amont».
Mais la concession diplomatique ne semble pas suffire à calmer certains des députés : «Vous convoquez en catastrophe un débat parlementaire pour colmater les failles de votre majorité», a ainsi lancé le député Les Républicains (LR) Philippe Goujon. «Surprenant de participer à un débat parlementaire sur un décret», notait un autre député, l'écologiste non-inscrit Sergio Coronado.
Après cet impair parlementaire, le fichier des titres électroniques sécurisés (TES) ne passera donc pas sans difficulté. Destiné à réunir en une seule base de données, l'identité complète, la couleur des yeux, le domicile, la photo et les empreintes digitales ainsi que de nombreuses autres données personnelles, tel le numéro de téléphone, le «mégafichier» inquiète.
Une telle concentration d'informations et de données personnelles en un seul fichier présente de nombreux risques, notamment de piratage. En effet, contrairement à un code secret, les données biométriques ne peuvent, par définition, pas être changées. En outre si l'utilisation des données des TES est aujourd'hui délimitée, rien n'empêche qu'à l'avenir la destination de ces informations ne soit «élargie».
Décrite par le ministère de l’Intérieur comme une étape de «modernisation» nécessaire, la base de données pour l'heure sera consultable par la police, la gendarmerie, les douanes, les services de renseignement. Ce afin de «prévenir les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation». Sous certaines conditions, des données issues du TES pourront aussi être transmises à Interpol ou au système européen de Schengen.