Le socle franco-allemand, jadis fondement de l’intégration européenne, se délite depuis longtemps et menace désormais de se briser, constate le 12 octobre le Sunday Times. Au cœur de cette dégradation se trouve l’impuissance politique d’Emmanuel Macron, dont l’instabilité gouvernementale et l’inefficacité réformatrice aggravent le risque existentiel pour l’ensemble du continent.
Macron a perdu un nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu — le sixième en trois ans et demi —, avant de le réinstaller quelques jours plus tard. Le journal britannique note que ce retournement spectaculaire renvoie à une dynamique d’attrition ministérielle déjà observée à la fin de la Quatrième République, mais avec une certaine particularité : « C’est le même taux d’usure des Premiers ministres qui a conduit, en 1955-1958, à la fin de la Quatrième République instable de la France d’après-guerre et à l’élévation, à la tête de la Cinquième République, en 1958, de la figure messianique de Charles de Gaulle, qui s’était illustré comme leader pendant la guerre. Mais cette fois, il n’y a pas de de Gaulle en vue. »
Cette instabilité ne relève pas d’un accident, mais d’un échec méthodique du président français à bâtir des coalitions capables de porter des réformes économiques et sociales en France, ainsi que de soutenir une prétention au leadership à l’étranger. « Macron a été branché à un respirateur artificiel politique pendant la majeure partie de son deuxième mandat de cinq ans. Maintenant, il semble dangereusement proche d’être débranché », observe encore le journal britannique.
Anciennes plaies industrielles
Par ailleurs, le Sunday Times estime que, sans coopération solide entre Paris et Berlin, l’UE n’aurait pas atteint son niveau d’intégration commerciale, monétaire et économique, et que l’affaiblissement français compromet directement la relance du partenariat « souhaitée par le chancelier allemand Friedrich Merz ». À la tête d’une coalition à majorité étroite, il affronte une scène politique profondément fragmentée. Les deux principaux partis, chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, ont été affaiblis par la montée rapide de l’Alternative für Deutschland (AfD), un parti fondé il y a douze ans et qui s’est développé sur le terrain du scepticisme à l’égard de l’euro, ainsi que sur les tensions suscitées par la mondialisation et l’immigration sous Angela Merkel.
Le nouveau chancelier doit également faire face à une économie stagnante depuis sept ans, la plus longue période de ralentissement continu depuis l’unification de 1871. À cela s’ajoutent les droits de douane imposés par le président américain Donald Trump, qui ont rouvert d’anciennes plaies industrielles et commerciales.
Le « moteur franco-allemand » de l’Europe, autrefois symbole de dynamisme et de cohésion, s’est progressivement essoufflé depuis la fin de l’alliance formée dans les années 1970 entre Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt. De leur coopération étroite sur les questions monétaires est née l’Union économique et monétaire, instaurée en 1999, qui a uni la France et l’Allemagne autour de l’euro.
Alternance droitière à l’Élysée
Or, la gestion budgétaire des deux pays s’est progressivement éloignée : la France s’est montrée dépensière au cours de la dernière décennie, tandis que l’Allemagne, même en augmentant ses dépenses d’infrastructure et de défense, a conservé une stricte orthodoxie fiscale. En 2007, leurs ratios dette-PIB étaient presque identiques ; aujourd’hui, celui de la France avoisine les 114 %, soit près du double du niveau allemand, situé autour de 60 %.
Le journal britannique conclut que l’incapacité de la France à adapter son système de protection sociale et à réduire son déficit conformément aux règles européennes explique la répétition des impasses parlementaires sous Macron, soulignant que ce blocage ouvrirait la voie à une alternance droitière à l’Élysée dans l’année à venir.