«Le Rassemblement national, contre lequel nous avons été élus, face auquel nous avons fait un front républicain, n’y appartient pas, il faut être très clair là-dessus.» En prononçant ces mots sur une radio publique le 24 septembre, le nouveau ministre de l’Économie Antoine Armand a provoqué la colère du Premier ministre Michel Barnier. Ce dernier a, selon Europe 1, appelé son ministre pour le recadrer. «Encore une comme ca et dehors !», l’aurait-il mis en garde.
Selon Le Figaro, Michel Barnier aurait appelé Marine Le Pen pour lui rappeler que «sa ligne était celle du respect et du dialogue avec toutes les forces politiques représentées au Parlement». Quelques heures plus tard, sur demande du chef du gouvernement, le ministère de l’Économie publiait un communiqué de presse dans lequel était affirmé : «Antoine Armand, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie recevra toutes les forces politiques représentées au Parlement.» À gauche et au centre, de nombreuses personnalités ont fustigé l’attitude du Premier ministre.
«Aucune négociation ou compromis avec le RN» : des voix s’élèvent au centre et à gauche contre Barnier
Loin de se cantonner au Nouveau Front populaire (NFP), les critiques à l’endroit de Michel Barnier ont également émané du centre macroniste. Marie-Pierre Rixain, députée de l’Essonne, a ainsi affirmé sur le réseau social X (ex-Twitter) : «Aucune négociation ou compromis avec le RN.». Et d’apporter son «total soutien au ministre». Albane Branalant, porte-parole des jeunes avec Macron, a également tenu à soutenir le ministre, reprenant à son compte la phrase : «Le RN n’appartient pas à l’arc républicain.» La même phrase a été publiée toujours sur le même réseau social par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel.
Lucie Castets, considérée comme candidate à Matignon du NFP, a de son côté déclaré partager «l’avis d’Antoine Armand», avant de «saluer cette remarque». Selon elle, «la survie de ce gouvernement dépend plus que jamais du bon vouloir du Rassemblement national alors que des millions de Françaises et de Français se sont mobilisés pour leur faire barrage».
Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias s'est montré tout aussi catégorique : «Si nous ne posons pas ce principe, alors, rien n’empêchera Marine Le Pen et Bruno Retailleau de s’allier durablement sous nos yeux ébahis.» Enfin, l’ancien président de la République François Hollande a déploré «l’appel de Michel Barnier à Marine Le Pen», qu’il a qualifié de «grave» et représentant un «aveu» de la «dépendance du gouvernement» au RN.
Coup de gueule de Marine Le Pen et soutien du président du Sénat
Interrogée à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, railleuse, a affirmé : «Je souhaiterais que la philosophie exprimée par le Premier ministre – de respect de l'ensemble des forces politiques – soit partagée par l'ensemble de ses ministres. Il semblerait que certains n'aient pas encore totalement compris».
Une déclaration à laquelle a succédé des prises de paroles de plusieurs cadres du RN, reprenant la même critique à l’endroit du ministre. La porte-parole du groupe RN à l’Assemblée nationale Laure La Lavalette a ainsi rappelé que son parti représentait «11 millions de Français» et que Marine Le Pen «avait posé comme première condition le respect dû à [ses] électeurs».
Le président du Sénat, le LR Gérard Larcher, a pris la défense du Premier ministre. «En démocratie parlementaire, c’est la légitimité du suffrage universel : 11 millions d’électeurs ont fait le choix du RN», a-t-il rappelé.
Le président de l’UPR François Asselineau s’est de son côté moqué du ministre, lequel «insulte le RN, dont sa survie ministérielle dépend». Et d’ajouter : «Cet énième blanc-bec macroniste juge que les 11 millions d’électeurs seraient "en dehors de l'arc républicain", contrairement à ceux de LFI.»
Avec une majorité très faible de 212 députés, loin des 289 nécessaires pour détenir la majorité absolue, Michel Barnier doit composer avec le Rassemblement national et ses 126 élus qui pourraient renverser son gouvernement en votant les motions de censure présentées par la gauche.
Dans la soirée du 24 septembre, le Premier ministre a également appelé le maire de Cannes et président de l’association des Maires de France David Lisnard, pris à partie par la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher. Cette dernière avait minimisé, le 23 septembre, sur la télévision publique, les intempéries qui avaient frappé sa ville et mis en cause sa gestion de la cité du cinéma : «À force d'imperméabiliser et de densifier les villes, on arrive à des dégâts de cette nature. [...] 50 millimètres d'eau, ce n'est pas les chutes du Niagara non plus.»
Réponse du maire de Cannes quelques heures plus tard : «Je remercie Michel Barnier pour son appel à la suite des inondations d’hier et d’avoir remis clairement les choses dans leur exactitude auprès de son équipe.» En quatre jours d’existence, le nouveau gouvernement a déjà connu plusieurs cas de remontrances de ministres.