«On a déjà perdu au moment où je vous parle 10% du troupeau ovin – c’est-à-dire des brebis – français, c’est énorme. Et quand vous n’avez pas les brebis, vous n’avez pas les agneaux». Arnaud Rousseau, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), a tiré la sonnette d’alarme ce 12 septembre sur le plateau de BFMTV et RMC.
Alors qu’un nouveau gouvernement est sur le point d’être nommé en France, la question agricole pourrait revenir au cœur des mobilisations après une année 2023 marquée par des manifestations d’ampleur dans le secteur tant dans l'Hexagone qu'à travers l'Europe.
Le cheptel ovin adulte fortement affecté
Le président de la FNSEA, qui est par ailleurs à la tête d’une exploitation céréalière de plus de 700 hectares et président du Conseil d’administration du groupe industriel Avril, déplore l’absence de réaction des pouvoirs publics devant l'épidémie de fièvre catarrhale ovine (FCO), également connue sous le nom de maladie de la langue bleue, qui touche les brebis en France.
Un phénomène qui, selon lui, a coûté la vie de 500 000 bêtes en 2024, soit 10% des cinq millions de têtes que comptait le pays selon une étude de l’Interbev, l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, publiée en 2023.
«C’est une catastrophe et ce n’est pas maîtrisé», estime Arnaud Rousseau. «Ce qui bloque aujourd’hui, c’est l’anticipation, c’est la capacité à rapidement collecter les vaccins», poursuit le représentant syndical, exhortant les autorités publiques à agir. «On a besoin d’actions. Il nous faut des vaccins pour traiter le cheptel français : on a déjà perdu 10% du cheptel ovin. Il faut des vaccins», lance-t-il.
Le président de la FNSEA demande en outre que les éleveurs perçoivent «rapidement» des indemnisations, certains d’entre eux ayant perdu l’intégralité de leur troupeau.
Une rentrée agricole sous tension
Le 30 août, suite à l'annonce par le ministre démissionnaire de l’Agriculture Marc Fesneau de l’extension de la zone de vaccination à deux régions et à six départements, son ministère avait annoncé qu'il passerait commande de 5,3 millions de doses complémentaires de vaccins contre la fièvre catarrhale ovine de sérotype 3, en plus des 6,4 millions de doses déjà commandées.
Il avait également annoncé la commande de deux millions de doses d’un vaccin tout juste homologué contre la maladie hémorragique épizootique (MHE), une épizootie distincte qui touche particulièrement les bovins, «permettant de protéger un million de bovins».
En dépit de ces engagements, les agriculteurs maintiennent la pression, à l’image du président de la FNSEA qui réclame au nouveau Premier ministre Michel Barnier d’«expliquer sa vision politique pour l’agriculture». «Nous subissons les conséquences d’un gouvernement démissionnaire qui expédiait les affaires courantes», assure-t-il, avant de mettre en garde : «Les promesses qui nous ont été faites n’ont pas été tenues à ce stade. Elles doivent être respectées, sinon ça laisse penser que seules la colère et la violence seraient des solutions.»
Du côté de la Coordination rurale, très en vue lors des mobilisations du début de l’année, un «ultimatum» pour «agir» avait été lancé à Michel Barnier dès le 7 septembre, moins de deux jours après sa nomination à Matignon.
Sa présidente Véronique Le Floc'h avait d'ailleurs prévenu, le 10 septembre sur les ondes d’Europe 1 : «Nous demandons au Premier ministre Michel Barnier de ne pas se tromper sur le choix du ministre de l'Agriculture à venir.»
«On se pose la question légitime [de savoir] si l'inaction du gouvernement depuis plusieurs mois n'est pas volontaire ?», affirmait, le même jour et sur la même antenne, le porte-parole de ce syndicat, Patrick Legras. «On est au bout d'un système. Si le nouveau gouvernement ne l'entend pas, le système va exploser», avait-il ajouté.
Quant à la Confédération paysanne, le syndicat de la gauche agricole, elle s’est exprimée dès l’annonce de l’arrivée de Michel Barnier à Matignon, dénonçant un «déni de démocratie» et exigeant d’être reçue rapidement par le nouveau chef de gouvernement pour faire valoir ses revendications.
Les épisodes de fièvres ovines et bovines s’ajoutent ainsi à un climat agricole tendu alors que la France se dirige vers un effondrement de sa production de blé, le ministère de l'Agriculture ayant annoncé début août que le pays était sur le point de connaître l'«une des plus faibles récoltes des 40 dernières années». Nul doute que les organisations représentatives des agriculteurs et des éleveurs regarderont de près la nomination de leur futur ministre.