Devant une assemblée de journalistes venus des quatre coins de l'Europe, Manuel Valls a abordé la question migratoire avec fermeté.
Appelant à un controle stricte des frontières, le Premier ministre a été intransigeant sur l'accueil des réfugiés : «L'Europe doit dire qu'elle ne peut plus accueillir autant de migrants, ce n'est pas possible», a-t-il martelé.
«Si nous ne le faisons pas [contrôler les frontières], les peuples vont dire : 'ça suffit l'Europe!'», a déclaré Manuel Valls, rappelant que le contrôle des frontières extérieures était «essentiel» pour le futur de l'UE.
Ces déclarations du Premier ministre semblaient par ailleurs avoir un lien étroit avec les attentats de Paris du 13 novembre dernier et la menace djihadiste sur le sol européen.
En effet, Manuel Valls a expliqué sa fermeté sur l'accueil des migrants par des indications des enquêteurs français selon lesquels deux des tueurs du 13 novembre à Paris avaient profité du flux de migrants pour traverser l'Europe et rejoindre la France.
Changement de cap depuis l'été dernier
Ces propos tenus à Matignon sont de fait très loins de ceux que tenait le Premier ministre encore l'été dernier. Le 31 août, il s'était en effet rendu à Calais pour une visite du camp de réfugiés de la «nouvelle jungle» ou plusieurs milliers de migrants sont entassés dans des conditions qu'il avait alors jugées «tragiques et insoutenables».
A Calais, Manuel Valls avait mis au premier plan la «nécessité d’accueillir ceux qui fuient les guerres et la barbarie» en s'appuyant sur le très solennel crédo «Humanité, fraternité, solidarité».
«On ne peut pas se soustraire à nos responsabilité avec du fil barbelé», a-t-il affirmé, pointant la Hongrie du doigt, et a ajouté qu'il fallait «accueillir ceux qui fuient la guerre et la persécution».
«Nous sommes venus (...) pour dire que nous sommes là, que l'Europe est là», avait martelé le Premier ministre en promettant à son auditoire que «l’Europe est en train de se mobiliser» pour apporter des solutions de manière «méthodique, intelligente et en conciliant ce qui est indispensable, l’accueil et l’aide humanitaire».
Manuel Valls était même allé plus loin dans son discours d'humanisme puisqu'il avait annoncé à l'issue de cette journée la création pour «début 2016» d’un nouveau campement humanitaire pouvant accueillir 1 500 personnes dans la «jungle» de Calais et qui serait financé avec l'aide de l’Union européenne qui avait alors débloqué un buget de 5 millions d'euros pour la construction de ce nouveau campement.
Un affront à la politique allemande
Aujourd'hui, évoquant devant les journalistes la position très souple et ouverte de l'Allemagne en matière de politique migratoire, le Premier ministre a jugé que «l'Allemagne a pris là une décision honorable» d'ouvrir ses portes aux réfugiés, mais a souligné que «ce n’est pas la France qui a dit : 'venez' !».
Ce changement de cap représente de fait pour la presse allemande un affront à la politique de la chancelière Merkel. Ainsi Selon le Süddeutsche Zeitung, le message de Manuel Valls est que l'Europe «arrête tout de suite d’accueillir des réfugiés du Proche-Orient».
Pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung il n'y a pas de doute : derrière ce discours de fermeté se cache un dédain affiché envers la politique en vigueur outre-Rhin :
«Critique à la direction (choisie) par la chancelière : le chef du gouvernement français Manuel Valls dit que l'Europe ne peut pas accueillir encore plus de réfugiés», constate le journal sur son site internet, alors que l'Allemagne devrait accueillir jusqu'à un million de demandeurs d'asile cette année.
«Les déclarations de Manuel Valls sont essentiellement à l'opposé de la ligne fixée par la chef du gouvernement allemand qui ne veut pas arrêter le flux de migrants mais mieux l'organiser», écrit le journal.