S'il existe un début de fronde au sein de la majorité face à la très contestée réforme des retraites, le député MoDem du Loiret Richard Ramos pourrait en être l'avant-garde. Invité sur le plateau de l'émission C à vous sur France 5 le 30 janvier, l'élu a en effet réaffirmé son opposition à un texte qu'il juge «très injuste» et s'est livré à une critique acide de la méthode du gouvernement, censée être basée sur l'explication point par point des bénéfices attendus de la réforme.
Comparant la situation du pays à une «poudrière sociale», Richard Ramos s'en est pris avec virulence aux «technos» et aux «têtes d'œuf à Paris», qui incitent selon lui les élus de la majorité à faire preuve de «pédagogie». «C’est des conneries la pédagogie. [...] C’est dire : "J’ai raison, vous êtes des cons les Français, je vais vous expliquer pourquoi j’ai raison"», a-t-il lancé, jugeant qu'il vaudrait mieux aller sur le terrain pour écouter l'avis des citoyens, à commencer par les «seniors» confrontés à la difficulté de retrouver un emploi aux environs de 50-55 ans.
On ne peut pas faire une réforme aussi importante contre les Français
«"Il y a quelques mois, vous m'avez enlevé un an de chômage et maintenant vous allez m'expliquer que vous allez me repousser la retraite, donc je vais terminer au RSA ?" C'est ça qu'on entend», a relayé Richard Ramos, inquiet de voir les électeurs fuir définitivement la majorité à cause de ce texte.
Pour l'instant opposé à une réforme «injuste», l'élu du Loiret a préconisé l'adoption de mesures plus volontaristes pour favoriser l'emploi des seniors. «On ne peut pas faire une réforme de société aussi importante contre les Français», a-t-il plaidé, critiquant au passage les propos du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, ce dernier ayant appelé la majorité, dans les colonnes du JDD, «à faire bloc» derrière le projet. «Si on ne le faisait pas, on serait des traîtres ?», s'est-t-il interrogé. Pour autant, Richard Ramos a précisé ne pas être un «frondeur» et souhaiter la réussite du gouvernement, mais a a souligné la nécessité «d'écouter» les citoyens.
Lors de ses vœux à la presse le 26 janvier, le ministre du Travail Olivier Dussopt était lui-même revenu sur le choix du mot «pédagogie» employé par la majorité et avait dit préférer les termes d'«explication» et de «débat». «La pédagogie laisse toujours entendre que si les gens ne sont pas d'accord avec nous, c'est parce qu'ils n'ont pas compris et que s'ils n'ont pas compris, il suffit de leur expliquer différemment», avait-il estimé, conscient de l'impression de condescendance que pouvait renvoyer le terme, exprimée plus crûment par Richard Ramos.
Des défections en nombre suffisant dans la majorité ?
La réforme semble, en tout état de cause, ne pas avoir convaincu grand-monde dans l'opinion, les sondages récents révélant une nette baisse de popularité des deux têtes de l'exécutif. En septembre, le MoDem avait averti qu'il pourrait s'opposer à un «passage en force» du gouvernement dans ce dossier. Après avoir exprimé à plusieurs reprises des réserves, son leader François Bayrou a déclaré le 25 janvier que la réforme était «améliorable», mais qu'il n'avait pour autant «aucune envie de gêner le gouvernement».
D'après un décompte établi par France Inter le 30 janvier à la veille d'une nouvelle journée de mobilisations, sept députés de la majorité au moins voteraient «contre» la réforme (2 Renaissance, 1 MoDem, 4 Horizons) et cinq autres envisagent de s’abstenir. Selon le média public, il n'est pas exclu que l'opposition à la réforme soit majoritaire d'une très courte tête à l'Assemblée si un nombre suffisant de Républicains et de membres de la majorité venaient à s'associer aux voix de la Nupes, du Rassemblement national et du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires.